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tuteur, bien qu’il se plaignît fréquemment du vent d’est et s’enfermât plus souvent qu’autrefois dans le grognoir, gardait à cet égard un silence absolu.

Je profitai donc de l’occasion, un jour où Caroline m’avait priée de venir la voir, pour écrire à Richard de se trouver à la voiture, afin, pensais-je, de causer un peu avec lui. Il était là quand j’arrivai ; je pris son bras, et dès qu’il me fut possible de retrouver un peu de gravité :

«  Eh bien, lui dis-je, sommes-nous maintenant fixé ?

— Oui, petite mère, répondit-il ; oh ! je travaille…

— Très-bien ; mais êtes-vous fixé ?

— Comment l’entendez-vous ? reprit-il en riant de son rire si franc et si joyeux.

— Je voudrais savoir si vous avez décidé quelque chose relativement à votre carrière.

— Oui, oui, je travaille beaucoup.

— Vous me l’avez déjà dit, Richard.

— Est-ce que ça ne suffit pas ? Mais vous avez peut-être raison ; vous me demandez si je me sens bien décidé à entrer dans le barreau ?

— Oui, Richard.

— Je ne peux pas dire que j’y sois définitivement résolu, car je ne peux pas prendre une détermination définitive, tant que cette affaire ne sera pas terminée. Quand je dis cette affaire, vous comprenez, c’est le… sujet défendu.

— Pensez-vous que jamais elle se termine ?

— Cela ne fait pas le moindre doute.

«  Ma chère Esther, reprit-il après quelques instants de silence, je vous comprends et je voudrais de toute mon âme être plus constant dans mes désirs ; je ne dis pas cela pour Éva, car je l’aime tous les jours davantage ; je veux parler des résolutions que je prends et que je ne conserve point ; c’est quelque chose que je ne peux pas définir, mais que vous saurez deviner. Si j’étais moins inconstant, je me serais attaché au docteur Badger ou à Kenge et Carboy ; je n’aurais pas lâché ma proie pour l’ombre ; je serais maintenant un garçon rangé, méthodique, je n’aurais pas de dettes, je…

— Vous avez des dettes, Richard ?

— Quelques-unes ; j’ai pris trop de goût au billard et à tout le reste. Maintenant, que le mot est lâché, vous me méprisez, n’est-ce pas, Esther ?

— Vous savez bien que non.

— Vous êtes alors plus indulgente pour moi que je ne le suis