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du coude ; ses yeux semblent se multiplier pour ne rien perdre de ce qu’il peut voir, et il n’a pas fait trois pas dans le cabinet de l’avoué que Jo s’arrête en tressaillant.

« Qu’avez-vous ? lui demande tout bas M. Bucket.

— C’est elle !

— Qui ça ?

— La dame. »

Une femme, soigneusement voilée, se tient debout au milieu de la chambre ; immobile et silencieuse, elle a le visage tourné vers la porte, mais ne paraît pas faire attention à ceux qui entrent et ne remue pas plus qu’une statue.

«  À quoi reconnaissez-vous cette dame ? dit tout haut M. Bucket.

— Je r’connais le vouéle, répond Jo, et pis l’chapeau et la robe.

— Prenez garde à ce que vous dites, reprend M. Bucket en observant Jo avec la plus grande attention ; regardez bien, ne vous pressez pas.

— Je r’garde de toutes mes forces, dit Jo en écarquillant les yeux, et c’est ben le vouéle, le chapeau et la robe.

— Et ces bagues dont vous m’avez parlé ?

— C’était tout brillant comme ça, là, » répond Jo en passant les doigts de sa main gauche sur les dernières phalanges de l’autre main sans détourner les yeux de la personne qui est devant lui.

Cette personne ôte son gant et présente la main droite.

« C’est pas du tout ces bagues-là, dit Jo en secouant la tête ; ni c’te main-là non pus.

— Qu’est-ce que vous dites ? faites attention, reprend M. Bucket dont la satisfaction, malgré cela, est évidente.

— La main de c’te lady était ben autrement blanche et pus p’tite et pus jolie.

— Vous me ferez bientôt accroire que je suis ma propre mère, dit M. Bucket. Vous rappelez-vous la voix de cette dame ?

— J’cré ben qu’oui.

— Ressemblait-elle à celle-ci, demande la personne voilée ; je parlerai aussi longtemps que vous voudrez, si vous n’en êtes pas sûr ; est-ce cette voix-là que vous avez entendue ? »

Jo regarde M. Bucket d’un air tout effaré : « Pas un brin, dit-il.

— Comment dites-vous alors que vous la reconnaissez ? reprend l’officier de police en montrant l’inconnue.

— À cause, dit Jo profondément embarrassé, mais dont la con-