Page:Dickens - Bleak-House, tome premier.pdf/301

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— C’est bien Jo, » répond M. Snagsby.

Jo reste saisi de frayeur dans le cercle lumineux que projette sur lui l’officier de police, et, pareil à l’un de ces gueux dépenaillés que montre la lanterne magique, il tremble de tout son corps et s’imagine qu’il a offensé de nouveau l’autorité en ne circulant pas comme on le lui avait dit ; toutefois M. Snagsby le rassure : « Nous venons vous chercher, lui dit-il, pour une chose qui vous sera bien payée. » Jo se remet immédiatement, et, bien que tout essoufflé, répond d’une manière satisfaisante à l’officier de police qui l’emmène au dehors pour lui parler plus à l’aise.

«  Tout va bien, dit M. Bucket en rouvrant la porte ; et maintenant, monsieur Snagsby, nous sommes prêts à vous suivre. »

Il faut d’abord que Jo termine sa commission et qu’il remette à qui de droit la médecine qu’il a été chercher. Il faut ensuite que M. Snagsby ait posé sur la table une demi-couronne, panacée universelle qu’il applique à tous les maux, et que M. Bucket, ayant pris Dur-à-cuire par le bras, un peu au-dessus du coude, le fasse marcher devant lui, formalité sans laquelle personne ne peut être conduit légalement par la police. Nos trois visiteurs souhaitent enfin le bonsoir aux deux femmes et s’enfoncent de nouveau dans les ténèbres impures de Tom-all-alone’s. Ils sortent de cet horrible gouffre par le chemin infect qui les y a conduits ; la foule sifflante qui se traîne dans l’ombre et se disperse un instant pour se reformer et grossir autour d’eux, les accompagne jusqu’à la limite de ce repaire effroyable, où, comme une troupe de démons emprisonnés, elle retourne sur ses pas et disparaît en hurlant.

M. Snagsby, Jo et M. Bucket se dirigent vers Lincoln’s Inn et se retrouvent à la porte de M. Tulkinghorn ; jamais les rues de Londres n’ont semblé plus aérées et plus saines, jamais le gaz n’a paru si brillant à M. Snagsby qu’en revenant de Tom-all-alone’s.

En montant l’escalier (l’appartement du procureur est au premier étage), M. Bucket annonce qu’il a la clef dans sa poche et qu’il est inutile de sonner ; pour un homme aussi expert que lui dans ces sortes de choses, il est assez longtemps à trouver la serrure, et fait en ouvrant la porte un bruit qui est peut-être une manière de s’annoncer. Quoi qu’il en soit, ils entrent dans la salle et pénètrent dans le cabinet où ils ont laissé l’avoué buvant son vieux porto. M. Tulkinghorn n’y est pas ; mais ses deux flambeaux y sont restés et la pièce est assez bien éclairée.

L’officier de police tient toujours le bras de Jo un peu au-dessus