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étonnement que son compagnon, quelque rapide que soit leur marche, a une manière indéfinissable de regarder ce qui se passe, sans faire semblant de rien ; qu’au beau moment où on croit qu’il va détourner à droite ou à gauche, il fait brusquement une pirouette sur ses talons, pour aller tout droit son chemin. De temps en temps, lorsqu’ils rencontrent un constable faisant sa ronde, M. Bucket et le constable ont l’air de ne pas s’apercevoir et de regarder en l’air, en passant auprès l’un de l’autre. D’autres fois, M. Bucket, arrivant par hasard derrière un certain jeune homme au-dessous de la taille moyenne, qui porte un chapeau luisant et qui a sur les tempes deux boucles de cheveux plates et lisses, le touche du bout de sa canne sans le regarder, sur quoi ledit jeune homme s’évapore à l’instant. Mais le plus souvent M. Bucket observe tout en général, avec un visage impassible, et ne change pas plus de couleur que l’énorme bague qu’il porte au petit doigt, ou que la grosse épingle composée de peu de diamants et de beaucoup de métal qui se fait remarquer à sa chemise.

Arrivés enfin, auprès de Tom-all-alone’s, M. Bucket demande une lanterne allumée au constable de service dans le quartier qui dès lors l’accompagne avec une autre lanterne attachée à sa ceinture. M. Snagsby, placé entre ses deux conducteurs, passe au milieu d’une rue infecte, remplie d’une boue fétide et noire et de flaques d’eau corrompue, bien que partout ailleurs les chemins soient desséchés ; l’odeur qui s’en exhale est tellement repoussante, et l’aspect qu’offre cette rue infâme est si odieux, que M. Snagsby, qui a toujours habité Londres, ne peut en croire ses sens ; d’autres ruelles, non moins infâmes, se ramifient à travers ce monceau de ruines et présentent un ensemble tellement hideux que le papetier se sent défaillir à chaque pas.

«  Retirez-vous un peu, monsieur Snagsby, dit l’officier de police en voyant venir à eux une espèce de brancard misérable suivi d’une foule bruyante. C’est un malade qu’on emporte. »

La foule abandonne le brancard pour entourer les trois visiteurs, les regarde un instant et se disperse au milieu des ruines, en sifflant et en jetant par intervalles des cris aigus qui retentissent dans l’air pendant tout le temps que les trois inconnus restent dans cet abominable endroit.

«  Est-ce que ce sont là les maisons atteintes du typhus, Darby ? demande froidement M. Bucket en dirigeant la lumière de sa lanterne sur une ligne de bouges infects.

— Elles le sont toutes à présent, répond Darby ; depuis bien