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— Absolument la même chose, répliqua M. Skimpole de l’air le plus naturel du monde ; je dirais alors, mon estimable Boythorn, en supposant que vous soyez la personnification de l’être imaginaire dont il s’agit, mon estimable Boythorn, vous êtes opposé à ce puissant potentat ? Fort bien. Moi aussi, je n’ai d’autre affaire en ce monde que de me rendre agréable ; c’est mon rôle ici-bas et la grande affaire pour chacun. La société, après tout, n’est qu’un système d’harmonie ; si donc vous lui êtes contraire, je le suis. Et maintenant, excellent Boythorn, n’allons-nous pas dîner ?

— Mais l’excellent Boythorn pourrait vous dire, répliqua notre hôte dont le visage commençait à s’enflammer, je…

— Assurément, reprit M. Skimpole, il est très-probable qu’il me dirait qu’il ne demande pas mieux.

— D’aller dîner ? s’écria M. Boythorn en frappant la terre de sa canne et en s’arrêtant tout à coup ; mais les principes, monsieur Skimpole ! existent-ils, oui ou non ?

— Sur mon âme, répondit celui-ci avec un sourire ingénu et du ton le plus enjoué du monde, je n’en ai pas la moindre idée ; je ne sais pas même ce que vous appelez ainsi ; je ne sais pas où cela se trouve, et j’ignore qui le possède. Si vous en avez, et que cela soit confortable, j’en suis vraiment enchanté, et je vous en félicite. Quant à moi, je ne connais rien à tout cela, et je m’en passe à merveille ; mais j’irai volontiers du côté du dîner. »

Je m’attendais toujours à voir finir ces dialogues, qui se renouvelaient fréquemment, par quelque violente explosion de la part de M. Boythorn, ce qui n’eût pas manqué en toute autre circonstance ; mais il avait un sentiment si profond des devoirs que l’hospitalité impose, et M. Jarndyce riait si franchement des théories de M. Skimpole, que les choses ne dépassèrent jamais les bornes de la discussion ordinaire. Quant à ce dernier, qui n’avait jamais l’air de savoir qu’il venait de marcher sur un terrain brûlant, il commençait un dessin qu’il ne finissait pas, s’asseyait au piano, jouait des fragments d’opéras, chantait des couplets détachés de diverses romances, ou bien allait dans le parc, s’étendait sous un arbre et regardait le ciel, « occupation pour laquelle, disait-il, je ne puis m’empêcher de croire que la nature m’ait expressément créé, tant elle est appropriée à mes goûts et à mes facultés.

«  Les grandes entreprises, les efforts généreux, nous disait-il (toujours couché sur le dos), me procurent un plaisir infini. Je suis né cosmopolite ; j’ai pour les voyageurs une sympathie profonde. Je m’étends à l’ombre comme ici, par exemple, et je