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avant le sermon et pendant qu’on se préparait à chanter ; elle ne fit pas attention à moi ; et les battements de mon cœur s’arrêtèrent pour redoubler quelques moments après, quand elle me regarda une ou deux fois avec son lorgnon, ainsi qu’Éva.

L’office terminé, sir Leicester, bien qu’obligé de se servir d’une forte canne pour marcher, offrit son bras à milady avec autant de respect que de galanterie, et la conduisit pompeusement jusqu’à la voiture, attelée des poneys qui les avaient amenés. Les domestiques se dispersèrent ; et enfin s’écoula le commun des martyrs, que sir Leicester, d’après M. Skimpole, avait contemplé tout le temps comme un homme qui a dans le ciel un domaine considérable dont ils font partie.

«  C’est que réellement il le croit, répondit M. Boythorn ; il le croit fermement, comme son père, son grand-père et ses arrière-grands-pères l’avaient cru avant lui.

— Savez-vous, reprit M. Skimpole, qu’il m’est agréable de rencontrer un homme de cette espèce ?

— Pas possible ? dit M. Boythorn.

— Un homme qui éprouve le besoin de vous patronner ! poursuivit M. Skimpole ; je trouve cela fort bien, et, pour ma part, ne m’y oppose nullement.

— Mais moi je m’y oppose, répliqua M. Boythorn avec violence.

— Vraiment ? reprit M. Skimpole ; mais c’est se donner de la peine ; et je ne vois pas pourquoi vous vous en donneriez. Quant à moi, je prends les choses comme elles sont, et ne m’inquiète pas du reste. Je viens ici, par exemple ; j’y trouve un potentat qui exige des hommages. Fort bien, « Puissant potentat, lui dis-je, vous demandez mon hommage, le voici ; je trouve plus facile de céder que de contester. Si vous avez quelque chose d’agréable à me montrer, je serai très-heureux de le voir ; quelque chose de bon à m’offrir, je serai heureux de l’accepter. » Mon homme répond à cela : « Voici un charmant camarade, qui s’accorde à merveille avec ma digestion et mon système bilieux ; qui ne me force pas à me rouler sur moi-même comme un hérisson, tous mes piquants dehors ; qui me permet, au contraire, de m’étendre, de m’épancher, de montrer ma doublure d’argent comme le nuage de Milton, ce qui est plus agréable pour tous les deux. » C’est ma manière de prendre les choses ; que voulez-vous ! je suis un enfant.

— Mais supposez que demain vous vous trouviez ailleurs, dit M. Boythorn, et que vous ayez précisément affaire à l’adversaire de ce potentat, qu’arriverait-il ?