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Il habitait une jolie maison, qui servait autrefois de presbytère, et devant laquelle s’étendait une grande pelouse ; un jardin rempli de fleurs était sur le côté ; par derrière se trouvaient le potager et le verger ; tout cela entouré d’un vieux mur en briques, et présentant l’aspect d’une abondance plantureuse. La vieille allée de tilleuls ressemblait à un cloître de verdure ; les cerisiers et les pommiers étaient chargés de fruits, les groseilliers laissaient tomber jusqu’à terre leurs branches qui pliaient sous les grappes ; les fraises, les framboises s’y trouvaient à profusion, et tout le long de l’espalier les pêches mûrissaient par centaines. Au milieu des filets tendus et des châssis qui étincelaient au soleil, se voyait une incroyable quantité de légumes de toute espèce, tandis que l’air était parfumé de la senteur vivifiante des plantes aromatiques, sans parler de celle qu’y ajoutaient les prairies voisines où l’on faisait les foins.

Il régnait tant de sérénité dans l’enceinte du vieux mur de briques qu’à peine si les plumes disposées en guirlandes pour effrayer les oiseaux s’agitaient faiblement ; et le vieux mur lui-même avait une si douce influence sur la maturité, que les vieux clous, qui çà et là retenaient quelques lambeaux de lisière, semblaient avoir mûri plutôt avec le reste que s’être usés par la rouille, suivant la loi commune.

La maison, moins bien tenue que le jardin, était une de ces anciennes habitations où l’on trouve des sièges sous la grande cheminée de la cuisine carrelée de briques, et de grandes poutres au plafond. Sur l’un des côtés de cette vieille demeure, s’étendait le chemin en litige où M. Boythorn faisait monter la garde nuit et jour par une sentinelle en blouse, qui, en cas d’agression, devait sonner une grosse cloche, détacher un bouledogue, et faire feu de toutes ses pièces pour repousser l’ennemi. Non content de cela, notre ami avait peint lui-même de larges écriteaux qu’il avait attachés à des pieux, et qui portaient ces avertissements solennels : « Gardez-vous du bouledogue, il est féroce, signé Lawrence Boythorn. — L’espingole est chargée de chevrotines, Lawrence Boythorn. — Il y a ici des pièges à loup et des fusils à ressort tendus à toute heure de la nuit et du jour, Lawrence Boythorn. — Quiconque aurait l’audace de commettre le moindre délit sur cette propriété serait immédiatement puni par tout ce que le châtiment privé peut avoir de plus sévère, et poursuivi selon toute la rigueur des lois, Lawrence Boythorn. »

«  Vous vous êtes donné là beaucoup de peine, lui dit M. Skim-