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verse un tunnel et arrive à une grille de fer éclairée par la lanterne suspendue à la voûte.

«  C’est là qu’i l’ont mis, dit-il en passant un bras entre les barreaux de la grille et en désignant l’intérieur du cimetière.

— Quelle horreur ! Où l’ont-ils déposé ?

— Là-bas, au mi’ieu d’ces tas d’os empilés, tout près de c’te fenêt’ de cuisine, tout à côté du tas ; i’s on’été obligés de monter su’ l’ cercueil et de peser dessus pour l’faire entrer ; je pourrais le découvri’ avec mon balai pour vous le faire voir si la porte était ouverte ; c’est pour ça qu’i la ferment, j’suppose. »

Jo secoue la grille inutilement et s’écrie tout à coup : « Un rat, un rat, le voyez-vous ?… juste auprès du tas, l’y v’là tout juste, il y entre dans la terre ! »

La servante se recule avec effroi et s’appuie à la muraille de cette voûte hideuse, dont l’exsudation fétide s’attache à ses vêtements ; elle étend les mains en criant à Jo de ne pas l’approcher, car il la dégoûte, et reste ainsi quelques instants. Jo la regarde tout surpris.

«  Ce lieu d’abomination est-il un terrain consacré ?

— J’sais pas, lui répond Jo en la regardant toujours.

— Est-il bénit ?

— De quoi ? demande Jo arrivé au dernier degré d’étonnement.

— Est-il bénit ?

— Est-ce que j’sais ? réplique Jo dont les yeux s’écarquillent de plus en plus ; bénit ? répète-t-il l’esprit légèrement troublé ; j’cré pas ; mais, en tout cas, ça gn’y a pas fait grand bien, s’il a été bénit ; j’aurais cru… mais, j’sais rin, moi. »

La femme de chambre ne fait aucune attention aux paroles de Jo et n’a pas l’air de se rappeler ce qu’elle vient de dire ; elle ôte son gant pour prendre quelque argent dans sa bourse ; Jo remarque en silence combien sa main est petite et blanche et quelle gaillarde il faut qu’elle soit pour avoir des bagues aussi brillantes.

Elle laisse tomber quelque chose dans la main du balayeur et frissonne quand ses doigts se rapprochent de ceux de Jo sans les toucher pourtant.

«  Maintenant, dit-elle, montrez-moi l’endroit encore. »

Jo passe le manche de son balai entre les barreaux de la grille et désigne la place qu’il a déjà montrée. Au bout de quelques instants, il se retourne pour voir s’il a été compris ; mais la servante a disparu. Son premier mouvement est de s’approcher du gaz pour voir ce qu’elle lui a donné : c’est une pièce