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fendeurs sont créés au procès. Deux années s’écoulent d’abord avant qu’il soit appelé. Son tour arrive. La cause est suspendue pendant deux autres années, pour laisser au juge (que sa tête pourrisse sur ses épaules ! ) le temps de faire une enquête, à cette fin de savoir si je suis le fils de mon père, ce que personne ne conteste et n’a jamais contesté. Il découvre alors que nous n’étions pas assez de défendeurs (rappelez-vous qu’il y en avait dix-sept), et qu’il s’en trouvait un qu’on avait oublié, et toute l’affaire recommence. Les frais montaient déjà à neuf cents livres, trois fois la somme dont une partie seulement faisait l’objet du procès. Mon frère, pour en éviter d’autres, eût été bien content d’abandonner sa demande. Tout ce que j’avais y a passé ; et la cause, toujours pendante, n’a produit que tortures, misère et désespoir, et c’est là que j’en suis aujourd’hui ! Vous comptez par mille livres, monsieur Jarndyce, tandis que je compte par centaines ; mais ce n’est pas une raison pour que mon sort soit moins à plaindre que le vôtre. Il n’en est que plus dur, au contraire, puisqu’il ne me reste rien, et qu’ils m’ont soutiré jusqu’à mon dernier schelling ? »

Mon tuteur lui répondit qu’il le plaignait de toute son âme et qu’il ne prétendait pas avoir le monopole des injustices de ce monstrueux système.

«  Encore ! s’écria M. Gridley s’exaspérant de plus en plus ; mais je ne peux donc m’adresser à personne qu’on ne me parle du système. Si je me plains : « C’est le système. » Si je me présente à la cour et que je m’écrie : « Milord, je vous le demande, aurez-vous le front de me dire qu’on m’a rendu justice ? » Milord ne connaît pas même mon affaire ; il siége pour diriger le système. Si je vais chez M. Tulkinghorn, l’avoué, qui me rend furieux par son calme et son air satisfait, comme ils l’ont tous (satisfait, je le crois bien ; ils gagnent à cela tout ce que j’y perds), et que je lui dise que d’une façon ou de l’autre quelqu’un me le payera, il me répond « que c’est le système et qu’il n’en est pas responsable. » Qu’arrivera-t-il ? je n’en sais rien ; mais ils finiront par me mettre hors de moi et je ferai comparaître les artisans de leur système à la barre éternelle, face à face avec Dieu. »

Sa colère était effrayante ; je n’aurais jamais cru qu’on pût arriver à un tel degré de fureur, si je ne l’avais pas vu.

«  J’ai déjà commencé, continua-t-il en s’essuyant le visage. Oui, monsieur Jarndyce, on m’a mis en prison pour insulte à la cour, pour menaces à l’avoué ; pour ceci, pour cela ; on m’y remettra encore. Je suis l’homme du Shrospshire, et je fais quel-