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d’une voix bourrue au « bonjour » que mon tuteur lui adressa en passant. C’était un homme de grande taille, d’une pâleur livide, presque entièrement chauve, dont la figure sillonnée de rides profondes, les yeux saillants, les manières agressives, jointes à des formes athlétiques, me causèrent un sentiment de frayeur ; il avait une plume à la main, et sa chambre, dans laquelle en montant je pus lancer un coup d’œil, était jonchée de papiers.

Nous continuâmes notre ascension tandis qu’il restait à la même place ; et, arrivée où finissait l’escalier, je frappai à la porte qui était en face de moi ; une voix enfantine me répondit de l’intérieur : « Nous sommes enfermés ; c’est mistress Blinder qui a la clef. »

J’ouvris la porte, et nous vîmes dans un grenier, presque sans meubles, un petit garçon maigre et pâle, n’ayant pas plus de cinq ou six ans, qui tenait dans ses bras un enfant de dix-huit mois, dont il s’efforçait d’apaiser les cris. Il n’y avait pas de feu et le temps était glacial ; les deux pauvres petits, enveloppés d’un vieux châle et d’une mauvaise palatine, avaient le nez rouge et le visage contracté par le froid.

«  Qui est-ce qui vous a enfermés dans cette chambre ? demandai-je au petit garçon.

— Charley, répondit-il en fixant sur nous des yeux tout étonnés.

— Votre frère ?

— Non, c’est ma sœur Charlotte ; papa l’appelait Charley.

— Combien êtes-vous d’enfants ?

— Il y a moi et puis Emma, dit-il en frappant sur le béguin du poupon qui cachait sa figure sur l’épaule de son frère, et puis Charley.

— Où est-elle, Charley ?

— Dehors, à laver, » répondit l’enfant, qui se remit à marcher de long en large dans la chambre, et qui, en essayant de nous regarder en même temps, approcha le béguin d’Emma un peu trop du bois de lit.

Nous nous regardions sans rien dire, lorsqu’une petite fille entra ; une enfant par la taille, mais dont la jolie figure intelligente et sérieuse paraissait plus âgée que le corps et les membres ; elle portait un chapeau beaucoup trop grand pour elle et s’essuyait les bras à un grand tablier ; sans la mousse fumante dont ses bras étaient couverts, et sans les rides que l’eau de savon avait faites à ses doigts, on l’aurait prise pour une enfant qui jouait à la blanchisseuse et mettait dans son imitation