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BLEAK-HOUSE

— Pour rien du tout, si ce n’est pour sortir un peu de cette lecture monotone ; continuez, je vous prie. »

M. Tulkinghorn obéit ; la chaleur augmente et milady se cache le visage derrière l’écran qu’elle tient. Tout à coup sir Leicester, qui commençait à sommeiller, se redresse vivement :

« Qu’est-ce qu’il y a ? s’écrie-t-il.

— Je crains que milady ne se trouve mal, répond M. Tulkinghorn en se levant.

— Ce n’est qu’une faiblesse, murmure milady de ses lèvres pâles ; ce n’est rien, mais je me sens faible à mourir. Ne me parlez pas. Sonnez, sir Leicester, et reconduisez-moi dans mon appartement. »

M. Tulkinghorn se retire dans une pièce voisine ; les sonnettes s’agitent, le bruit des pas se fait entendre ; tout redevient silencieux ; Mercure paraît et prie l’avoué de rentrer dans le salon.

« Mieux maintenant, répond sir Leicester à la question du gentleman en l’invitant à s’asseoir et à reprendre sa lecture. J’ai été fort effrayé ; jamais, jusqu’à présent, je n’avais vu milady s’évanouir. Mais ce temps est si affreux, et elle s’est tellement ennuyée dans son château du Lincolnshire ! »


CHAPITRE III.

Narration d’Esther.

J’éprouve un grand embarras à écrire les pages qui vont suivre ; je n’ai jamais eu d’esprit ; je l’ai toujours su. Je me rappelle qu’autrefois, quand j’étais toute petite, je le disais à ma poupée en la priant de m’écouter avec patience ; et d’habitude elle restait tranquillement assise dans un grand fauteuil avec son teint blanc, ses joues roses, ses lèvres rouges et ses grands yeux qui me regardaient fixement (peut-être bien sans me voir), tandis que je cousais en lui disant mes secrets.

J’étais si timide que je n’ai jamais ouvert mon cœur à personne, excepté à ma poupée.

Les pleurs me viennent encore aux yeux quand je me rappelle de quelle consolation elle a été pour moi, lorsque, rentrant de l’école, je montais bien vite dans ma chambre, et qu’en la retrouvant, je m’écriais tout émue : « Chère Dolly, je savais bien que tu