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CHAPITRE XV.

Bell Yard.

Pendant tout le temps de notre séjour à Londres, M. Jarndyce fut constamment assiégé par cette foule de ladies et de gentlemen dont les actions et les manières nous avaient toujours si vivement étonnées. Quelque temps après notre arrivée, M. Quale était venu le voir ; jamais l’exaltation de ce monsieur n’avait été plus grande ; on eût dit qu’il voulait projeter les bosses luisantes de son front et de ses tempes dans tout ce qu’il rencontrait sur sa route ; et que ses cheveux, violemment, rejetés en arrière, n’aspiraient qu’à s’envoler de son crâne dans l’ardeur inextinguible d’une philanthropie que rien ne pouvait calmer.

Toutes les missions lui convenaient également et son esprit universel le rendait propre à tout ; néanmoins il se sentait particulièrement destiné à l’organisation des témoignages de la reconnaissance publique envers n’importe qui. Ses facultés admiratives semblaient avoir absorbé la plus grande partie de la puissance de son âme, et il passait de longues heures à baigner ses tempes avec délices dans les flots de lumière que répandait autour de lui n’importe quel flambeau. Je l’avais vu plongé dans une telle admiration pour mistress Jellyby, que j’avais supposé que cette dame était l’objet exclusif de son culte ; je reconnus bientôt mon erreur, en voyant qu’il était le souffleur d’orgues et le porte-queue d’une légion d’autres individus.

Il accompagna un jour mistress Pardiggle, qui venait voir mon tuteur à propos de je ne sais quel monument, et nous vanta les perfections de cette vaillante femme avec le même enthousiasme qu’il avait mis à nous détailler celles de mistress Jellyby. Quelques jours après, mistress Pardiggle écrivit à mon tuteur pour lui recommander M. Gusher, son éloquent ami, qui apparut bientôt en compagnie de M. Quale. C’était un gentleman au corps flasque, à la peau moite, dont les yeux, beaucoup trop petits pour son visage de pleine lune, semblaient avoir été faits pour un autre. Et cependant il n’était pas assis, qu’en dépit de cet extérieur qui n’avait rien de séduisant, M. Quale nous demandait à Éva et à moi, si nous n’admirions pas la beauté morale qui