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convaincu de la vérité de ses paroles en voyant le père et le fils ; et mes yeux allaient du pauvre Prince, qui se donnait tant de peine, au vieux gentleman qui se pavanait à l’aise, quand celui-ci vint à moi en se dandinant, et me demanda « si Londres avait le bonheur d’être mon séjour habituel, ou si le charme de ma présence était purement provisoire. » Je ne crus pas nécessaire de lui dire ce que je pensais du charme de ma présence, et me bornai à lui répondre que j’habitais la campagne.

«  Une personne aussi accomplie, dit-il en baisant son gant droit, qu’ensuite il étendit du côté des élèves, voudra-t-elle bien se montrer indulgente pour les grâces qui nous manquent ? nous faisons tous nos efforts pour polir, polir, polir. »

Il s’assit à côté de moi, en ayant soin de se poser sur le banc, comme son illustre maître, dans la gravure où ce dernier est assis sur un sofa, et l’imita vraiment à s’y méprendre.

«  Pour polir, polir, polir, répéta-t-il en prenant une prise de tabac et en agitant les doigts avec délicatesse ; mais, poursuivit-il en saluant des épaules, en relevant les sourcils et en fermant les yeux, nous ne sommes plus, si toutefois je puis m’exprimer ainsi devant une personne comblée de toutes les grâces que l’art et la nature aient jamais pu donner, nous ne sommes plus ce que nous avons été, sous le rapport des manières et de la tournure.

— Vraiment, monsieur ?

— Nous avons dégénéré, reprit-il en hochant la tête dans sa cravate ; un siècle d’égalité comme le nôtre n’est pas favorable au bon ton et à la suprême élégance ; il développe nécessairement tous les instincts vulgaires. Peut-être ne suis-je pas complétement désintéressé dans la question ; il ne m’appartient pas de vous dire qu’on m’a surnommé le Gentleman ; et que S. A. R. le prince régent ayant remarqué le salut que je lui adressai au moment où il sortait du pavillon de Brighton (cet élégant édifice), me fit l’honneur de demander : « Qui est-il ? Qui diable est-il ? Pourquoi m’est-il inconnu ? Pourquoi n’a-t-il pas trente mille livres par an ?… » Simple anecdote… mais qui est tombée dans le domaine public, ma’ame, et qu’on répète encore dans les plus hautes régions de la société.

— Vraiment ! monsieur. »

Il salua des épaules.

«  Dans ces régions, ajouta-t-il, où s’est réfugié ce qui nous reste de grâce et d’élégance. L’Angleterre, ma patrie, hélas ! a bien dégénéré, et dégénère chaque jour ; les gentlemen s’en vont ; nous sommes bien peu maintenant, et je ne vois pour nous succéder qu’une race d’industriels.