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Elle ajouta, en rougissant et avec beaucoup d’hésitation, qu’elle voulait nous dire quelque chose, mais qu’elle avait peur de nous déplaire et que, cependant, elle espérait que nous ne la blâmerions pas ; elle avait cultivé la connaissance de miss Flite, la vieille petite folle, et allait souvent la voir le matin, pour rencontrer chez elle son amant qui venait y passer quelques minutes, seulement quelques minutes, avant son déjeuner. « J’y vais aussi dans la journée, continua-t-elle ; mais Prince n’y vient jamais que le matin ; c’est le petit nom de M. Turveydrop ; j’aurais préféré qu’il en eût un autre, il y a tant de chiens qu’on appelle ainsi ; mais ce n’est pas lui qui l’a choisi ; son père le lui a donné en mémoire du prince régent qu’il adorait à cause de sa tournure. J’espère que vous n’aurez pas mauvaise opinion de moi, pour avoir eu avec Prince des rendez-vous chez miss Flite, où nous sommes allées ensemble ; j’aime cette pauvre créature et je crois qu’elle me le rend bien. Si vous connaissiez Prince, je suis sûre qu’il vous plairait. Je vais aller prendre ma leçon ; je n’ose pas vous demander de m’accompagner ; mais, pourtant, si vous le pouviez, je serais si contente, miss Summerson. »

Le hasard voulait que précisément nous eussions fait le projet avec mon tuteur d’aller voir miss Flite ; il avait été vivement intéressé par tout ce que nous lui avions dit de cette pauvre créature, et nous aurait accompagnées chez elle depuis longtemps, si une chose ou l’autre ne l’en avait empêché. Il fut donc convenu que j’irais d’abord au cours de danse avec Caroline et Pepy, et que nous rejoindrions Éva et mon tuteur chez miss Flite, à condition que miss Jellyby et son frère reviendraient dîner avec nous. Cet arrangement accepté avec joie de part et d’autre, je m’occupai de la toilette de Pepy qu’un peu d’eau et de savon, quelques épingles et un coup de peigne rendirent infiniment plus présentable ; et nous sortîmes en dirigeant nos pas vers Newman-street, qui était dans le voisinage ; c’était là que demeurait M. Turveydrop.

Nous entrâmes dans une maison passablement obscure, située au coin d’un passage voûté, et dont chaque fenêtre de l’escalier était décorée d’un buste en plâtre ; un maître de dessin, un marchand de charbon et un lithographe habitaient cette maison, comme me l’avaient appris les plaques de cuivre fixées à la porte d’entrée, parmi lesquelles s’en trouvait une plus grande que les autres et portant le nom de M. TURVEYDROP. La porte était ouverte et laissait voir un piano à queue, une harpe, plusieurs instruments dans leurs étuis, d’assez mauvaise mine au grand