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je l’ai connu très-intimement ; c’est moi qui l’ai soigné dans sa dernière maladie ; une ressemblance frappante. Au-dessus du piano, c’est mistress Bayham Badger, lorsqu’elle était mistress Swosser ; au-dessus du canapé, la même, à l’époque où elle était mistress Dingo ; quant à mistress Badger proprement dite, je possède l’original en nature et n’ai pas besoin de copie. »

On annonça que le dîner nous attendait et nous descendîmes dans la salle à manger ; le repas était bien ordonné, élégamment servi, la cuisine excellente ; mais le capitaine et le professeur trottaient toujours dans l’esprit de M. Bayham Badger ; et, comme Éva et moi, nous avions l’honneur d’être confiées à ses soins, nous eûmes tout le bénéfice de cette préoccupation.

«  De l’eau, miss Summerson ? Permettez… pas dans ce verre ; James, apportez le gobelet du professeur. »

Quelques fleurs artificielles avaient provoqué l’admiration d’Éva.

«  Étonnamment bien conservées, en effet, s’empressa de dire le docteur ; elles furent présentées à mistress Badger, lors du voyage qu’elle fit dans la Méditerranée avec le capitaine.

«  Monsieur Jarndyce, pas de ce bordeaux-là ; excusez-moi. C’est une véritable occasion, et je ne manque jamais, dans ce cas-là, de produire un certain bordeaux que j’ai l’avantage de posséder… James, le vin du capitaine. C’est un vin, monsieur Jarndyce, que le capitaine Swosser rapporta… il y a je ne sais plus combien d’années ; vous le trouverez excellent, je n’en doute pas. Chère amie, j’aurai un véritable plaisir à vous voir prendre un peu de bordeaux…. James, servez à votre maîtresse du vin du capitaine… À votre santé, mon trésor. »

Le dîner fini, lorsque nous rentrâmes dans le salon, tandis que ces messieurs restaient dans la salle à manger, les deux premiers maris de mistress Badger nous poursuivirent encore, car elle commença par une esquisse biographique du capitaine Swosser, où elle nous fit le récit détaillé de la manière dont cet homme remarquable devint éperdument amoureux d’elle à un bal que donnaient à leur bord les officiers du Crippler, dans la rade de Plymouth.

« Ce vieux Crippler ! nous dit-elle en hochant la tête d’un air pensif ; c’était un noble vaisseau ; bien assis, bien gréé, belle mâture…. Veuillez me pardonner si je me sers à l’occasion de quelques termes nautiques ; j’étais à cette époque un véritable marin. Le capitaine Swosser aimait ce beau vaisseau à cause de moi ; il répétait souvent, quand ce pauvre Crippler ne fut plus en commission, que, s’il était assez riche pour acheter sa vieille