ture ; mais certainement elle a réveillé l’une ou l’autre de mes pensées.
— L’une ou l’autre ? répète M. Tulkinghorn.
— Oui, bien que je ne sache plus laquelle, répond milady avec insouciance. Avez-vous réellement pris la peine de découvrir le copiste de ce… Qu’est-ce que c’était ?… un affidavit ?
— Oui, milady.
— Quel nom bizarre ! »
Ils entrent dans une salle à manger sombre, où on déjeune le matin, éclairée dans le jour par deux fenêtres profondes donnant sur la terrasse. On est à l’heure du crépuscule ; la flamme du foyer se reflète sur les boiseries et sur les vitres où, à travers cette lueur pâle et froide, tremble, au souffle du vent, le paysage où glisse en rampant un brouillard grisâtre, seul voyageur qu’on aperçoive au-dessous des nuages amoncelés.
Milady s’étend dans un fauteuil au coin de la cheminée, sir Leicester prend celui qui est au coin opposé ; M. Tulkinghorn s’assied devant le feu, étend le bras et se sert de sa main comme d’un écran ; il tourne la tête du côté de milady, qu’il regarde.
« Oui, dit-il, je me suis informé de cet homme et je l’ai trouvé ; mais ce qui est étrange, c’est qu’il était…
— Dans une position peu favorable, j’en ai peur, interrompt milady négligemment.
— Il était mort, dit M. Tulkinghorn.
— Ah ! que dites-vous là ? reprend sir Leicester, moins ému du fait en lui-même, que de l’entendre énoncer devant lui.
— On m’indiqua sa demeure, un bouge affreux, où la misère avait laissé d’ignobles traces, continue l’avoué ; et c’est là que je l’ai trouvé ; mais, je le répète, il était mort.
— Excusez-moi, monsieur Tulkinghorn, reprend le baronnet ; je crois que moins on parlera de…
— Je vous en prie, sir Leicester, laissez finir cette histoire. Elle est vraiment faite pour être contée dans l’ombre. Quel horreur ! mort, disiez-vous ? »
M. Tulkinghorn le confirme par un signe de tête et continue :
« Mort de sa propre main…
— Sur mon honneur, s’écrie sir Leicester, je ne…
— Laissez-moi entendre la fin, dit milady.
— Tout ce que vous voudrez, chère belle ; mais je dois dire…
— Non, vous n’avez rien à dire ; continuez, monsieur Tulkinghorn. »