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toutes les choses de ce monde, qui font abstraction de toutes ses réalités, qui ne se réjouissent et ne se désolent de rien ; qui ont trouvé non pas le mouvement, mais le repos perpétuel, et sont incapables d’être émus par une idée quelconque ; des gens pour qui même les beaux-arts, poudrés et marchant à reculons comme le lord chambellan, doivent revêtir le costume des générations éteintes et surtout rester calmes et immobiles, sans recevoir aucune impression de ce siècle remuant.

Il y a aussi milord Boodle, qui connaît les affaires, qui jouit dans son parti d’une immense réputation, et qui, en causant avec sir Leicester, lui dit gravement qu’il ne sait vraiment pas où ce siècle veut en venir. Un débat n’est plus ce qu’était jadis un débat ; la chambre n’est plus ce qu’elle a toujours été ; un cabinet même ne se forme plus aujourd’hui comme on le formait autrefois. Supposez que le ministère actuel vienne à être renversé, la couronne ne pourrait choisir, pour la formation du nouveau cabinet, qu’entre lord Coodle et sir Thomas Doodle ; et, comme il est probable que le duc de Foodle refuserait d’entrer dans une combinaison où l’on admettrait Goodle, par suite de la rupture qui a eu lieu après l’affaire Hoodle, il faudrait donner le ministère de l’intérieur à Joodle, qui prendrait en même temps la direction de la chambre des communes ; les finances à Koodle, les colonies à Loodle, les affaires étrangères à Moodle ; et que feriez-vous de Noodle ? vous ne pourriez pas lui offrir la présidence du conseil, qui est réservée à Poodle ; ni lui donner les eaux et forêts, qui sont à peine dignes de Quoodle. Il en résulte que le pays marche à sa ruine, et qu’il est perdu parce qu’il n’a pas où placer Noodle, ce qui est parfaitement démontré au patriotisme de sir Leicester.

Toutefois, l’honorable William Buffy conteste, à l’autre bout de la table, non pas la ruine complète du pays, qui ne fait pas le moindre doute ; mais la cause de cet affreux désastre, qu’on ne saurait attribuer à Noodle, mais bien à Cuffy. Si vous aviez agi avec Cuffy, ainsi que vous deviez le faire quand il est entré au parlement, vous l’auriez empêché de passer à Duffy ; et, de plus, l’ayant rallié à Fuffy, vous auriez entraîné Guffy, qui non-seulement vous eût donné tout le poids de son éloquence ; mais vous eût permis de jeter dans les élections l’immense fortune de Huffy, qui vous aurait fait enlever la nomination de Juffy, de Kuffy et de Luffy, et fait acquérir Muffy, dont la science pratique et l’habitude des affaires auraient donné une force immense à votre administration ; tout cela, au lieu de dépendre, comme aujourd’hui, du simple caprice de Puffy.