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l’un des membres de cette noble famille, surtout contre milady, que chacun admire ; et cependant, si milady voulait avoir un peu plus d’abandon, être moins réservée, moins froide, mistress Rouncewell pense qu’elle en serait plus parfaite.

« Il est presque dommage, continue la femme de charge, seulement presque, notez bien, car cela frise l’impiété de supposer que quelque chose pourrait être mieux que ce qui est, relativement aux Dedlock, presque dommage que milady n’ait pas d’enfants ; si elle avait eu une fille, qui pourrait être déjà grande, et qui serait pour elle un profond intérêt dans la vie, je crois qu’elle posséderait la seule perfection qui lui manque.

— N’en aurait-elle pas eu au contraire plus d’orgueil encore ? demande Watt, qui revient souvent à Chesney-Wold ; c’est un si bon petit-fils !

— Il ne m’appartient pas, mon cher enfant, reprend avec dignité la femme de charge, de me servir du mot plus, ni même de l’écouter, quand il implique une critique de milady.

— Je vous demande pardon, grand’mère, répond Watt ; mais est-elle fière, oui ou non ?

— Si elle est fière, ce n’est pas sans motif ; les Dedlock ont mille fois raison de l’être.

— Très-bien ; j’espère alors qu’ils suppriment de leur livre d’heures un certain chapitre à l’usage de nous autres, sur l’orgueil et les vanités de ce monde ; pardonnez-moi, grand’mère, c’était pure plaisanterie de ma part.

— Sir Leicester et milady Dedlock, mon cher enfant, ne sont pas un sujet de plaisanterie.

— Assurément, dit Watt, sir Leicester n’a rien de plaisant ; et je lui fais mes humbles excuses. Je suppose, grand’mère, que l’arrivée de la famille, voire celle de tous les hôtes qu’on attend, n’empêchera pas que je reste encore aux Armes de Dedlock un jour ou deux, ainsi que peut le faire tout autre voyageur ?

— Pas le moins du monde, cher enfant.

— Tant mieux, dit Watt, parce que je…. parce que j’ai le plus vif désir de connaître les environs, qui me paraissent magnifiques. »

Il lance un coup d’œil à Rosa, dont les yeux sont baissés et qui est toute confuse ; d’ailleurs, si le proverbe dit vrai, les oreilles de la jeune fille doivent lui tinter, car la femme de chambre de milady parle d’elle en ce moment avec toute la violence dont elle est susceptible. Cette dernière a trente-deux ans ; c’est une Française, née dans le midi, entre Avignon et Marseille ; brune, avec de grands yeux noirs et de beaux cheveux ;