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BLEAK-HOUSE

Dix-huit collègues de Me Tangle, porteurs chacun d’un résumé sommaire de dix-huit cents feuillets, se lèvent comme poussés par un ressort, font ensemble leurs dix-huit saluts et se replongent immédiatement dans leur obscurité,

— La cause est renvoyée à quinzaine, dit en se levant le grand chancelier.

— Milord ! s’écrie d’une voix suppliante le pauvre homme du Shropshire, auquel massiers, huissiers, et têtes à perruque, imposent silence avec indignation.

— Relativement à la jeune fille, continue le grand chancelier toujours à propos de l’affaire Jarndyce.

— Au jeune garçon, interrompt Me Tangle.

— Relativement à la jeune fille, reprend milord en appuyant sur chaque syllabe, et au jeune homme que j’ai invités à paraître devant moi aujourd’hui, et qui doivent m’attendre dans mon cabinet, je vais, dès que je les aurai vus, expédier l’ordre qui établit leur domicile chez leur oncle.

— Je demande excuse à Votre Seign’rie, l’oncle est mort.

— En ce cas, chez leur.,.. continue le chancelier en jetant, à travers ses doubles lunettes, un coup d’œil sur les papiers qui sont placés devant lui, chez leur grand-père.

— Demande excuse à Votre Seign’rie, le grand-père s’est suicidé !

— Que Votre Seigneurie veuille bien me permettre, dit en se levant tout à coup un avoué, petit et grêle, dont la voix de basse-taille éclate comme le tonnerre ; je parais au nom de mon client, cousin des deux pupilles ; je ne saurais informer la cour, en ce moment, du degré exact de parenté qui l’unit aux jeunes gens, je n’y suis point préparé : mais il est leur cousin. »

L’écho de ces paroles prononcées d’un ton sépulcral va se perdre dans la charpente qui soutient la toiture ; le très-petit avoué reprend sa place où le brouillard le cache à tous les yeux.

« Je vais questionner les deux jeunes gens, répond encore le chancelier ; je verrai ce que je dois faire relativement à leur résidence chez le cousin dont il est fait mention, et je rendrai compte à la cour de ce que j’aurai décidé, demain matin, à la reprise de l’audience. »

Au moment où milord va rendre son salut au barreau qui s’incline, on lui présente le malheureux prisonnier ; que peut-il en résulter pour le pauvre contumace, si ce n’est de retourner en prison, ce qui est fait immédiatement ?

« Milord ! » s’écrie de nouveau le malheureux homme du Shropshire ; mais le grand chancelier qui vient de l’apercevoir s’est