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son erreur ; mais elle n’en fut pas moins très-malheureuse, et lui écrivit la lettre suivante :


« Cher cousin,

« J’ai su par Esther la conversation que vous avez eue avec elle ; et je vous écris pour vous supplier de croire à tout ce qu’elle vous a dit. Un jour viendra où vous reconnaîtrez que mon cousin John est la franchise et la générosité même ; vous serez bien triste alors de l’avoir méconnu ; pensez-y bien, Richard, vous qui êtes si franc et si bon.

« Je ne sais pas comment exprimer ce qui me reste à vous dire, mais vous comprendrez ma pensée. J’ai peur que le désir d’avancer nos affaires ne contribue à la détermination que vous avez prise de vous dévouer corps et âme à ce que vous appelez nos intérêts, à votre malheur plutôt… et, par conséquent, au mien ; je vous conjure de ne plus songer à ce malheureux procès qui a tant pesé sur notre enfance ; ne soyez pas fâché contre moi si mes paroles vous déplaisent, mais rappelez-vous que ces tristes débats ont causé tous nos maux ; que ce sont eux qui nous ont rendus orphelins après avoir abreuvé nos parents de chagrin et d’amertume. Oh ! je vous en supplie, Richard, renoncez-y pour toujours, vous n’y trouveriez que déception et désespoir.

« Il est probable que vous rencontrerez un jour quelqu’un que vous préférerez à votre premier caprice ; vous êtes libre, Richard, je n’ai pas le besoin de vous le rappeler ; mais laissez-moi vous dire que celle que vous aurez choisie aimera mieux partager votre humble fortune en vous voyant, heureux et tranquille, suivre une carrière honorable, que d’acquérir la richesse aux dépens de votre bonheur et des devoirs que votre profession vous impose ; vous me trouverez peut-être bien présomptueuse de parler avec cette assurance, moi qui ne sais rien de la vie ; mais je puise dans mon cœur la certitude de ne pas me tromper.

« Croyez-moi pour toujours votre bien affectionnée cousine,

« Éva. »


Cette lettre nous procura immédiatement la visite de Richard, mais n’apporta pas la moindre modification dans sa manière de voir ; il voulait aller jusqu’au bout, disait-il, et nous montrer qu’il avait eu raison. Bref, les tendres paroles d’Éva lui avaient fait plaisir, mais ne l’avaient nullement convaincu. Je voulais en parler à M. Skimpole ; la promenade me fournit une occasion toute naturelle de le faire, et je m’étendis sur la responsabilité