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dans la voie que j’avais prise doive en rien altérer l’affection qu’il me porte, etc., etc. Dites en outre à ma cousine que si mes visites deviennent plus rares, c’est que je m’occupe de ses intérêts et des miens, qui sont les mêmes ; que j’espère bien qu’elle n’ajoutera pas foi aux bruits que certaines gens se plaisent à répandre sur ma légèreté ; que je suis au contraire fort sérieux et tout à nos affaires ; qu’étant majeur et n’ayant de compte à rendre à personne, je me regarde comme entièrement libre ; mais que je ne lui demande pas de renouveler l’engagement qu’elle avait pris avec moi, tant qu’elle sera en tutelle ; qu’à sa majorité notre position pécuniaire sera probablement toute différente, et qu’alors nous pourrons aviser. Dites-lui tout cela, chère Esther, avec la persuasion que vous saurez y mettre, vous me rendrez un service qui doublera mon courage ; vous verrez alors avec quelle vigueur je suivrai notre procès, qu’en fin de compte il faudra bien qu’on juge. Vous pouvez, si cela vous convient, en parler à Bleak-House.

— Richard, lui dis-je, vous vous confiez à moi ; mais je crains bien que vous ne suiviez pas mes conseils.

— Comment le pourrais-je, Esther ? du moins quant au sujet dont nous parlons, car sur toute autre chose vous savez que je suis prêt à suivre vos avis. »

Comme s’il existait pour lui d’autre sujet au monde !

« Alors je puis vous faire une question ? lui dis-je.

— Et qui le pourrait, si ce n’était vous ? répondit-il en riant.

— Avez-vous fait de nouvelles dettes, Richard ?

— Certainement, dit-il, fort surpris de ma simplicité. Comment voulez-vous agir sans frais ? vous oubliez qu’Éva et moi nous héritons d’après les deux testaments : le procès n’est pour nous qu’une question de quantité ; j’escompte l’avenir, il est vrai ; mais pour une faible part, sans atteindre le chiffre qui nous est assuré ; bonne Esther ! ajouta-t-il en riant de ma figure attristée, ne vous inquiétez de rien ; j’en sortirai, soyez-en sûre. »

J’étais au contraire si effrayée de le voir entrer dans cette voie, que j’employai tous les moyens pour tâcher de l’en détourner ; mais, hélas ! il m’écouta patiemment sans tenir compte de mes paroles, et, voyant que la prudence et la raison n’avaient pas sur lui le moindre empire, je résolus de ne rien cacher à Éva, pour essayer de son influence ; je racontai donc à ma chérie l’entretien que j’avais eu avec Richard, et lui montrai l’abîme où il courait aveuglément ; elle ne partagea pas complétement mon effroi, car elle était persuadée qu’il reviendrait de