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envers moi. Vous savez que je n’attaque pas la loyauté de M. Jarndyce, en dehors de cette vilaine affaire ; mais ce procès pèse sur lui comme sur les autres ; c’est une influence corruptrice à laquelle rien n’échappe ; vous le lui avez entendu dire cent fois ; pourquoi la contagion l’aurait-elle épargné ?

— Parce qu’il est d’un caractère exceptionnel ; et surtout parce qu’il s’est éloigné de cette fatale influence.

— Parce que, parce que… reprit Richard avec vivacité, la chose est bonne à dire ; mais je ne crois pas du tout qu’il soit sage en pareil cas de négliger ses intérêts ; les gens viennent à mourir, les faits s’oublient, et il en résulte mille inconvénients qu’on aurait évités avec moins d’insouciance. En résumé, chère Esther, vous pensez bien que je ne suis pas venu pour accuser M. Jarndyce auprès de vous, mais pour me justifier ; et je vous dis en somme qu’il a été parfait pour moi, tant que je ne me suis pas occupé de ce procès ; mais qu’à dater de l’instant où j’ai cru devoir songer à mes affaires, ses procédés ont complétement changé ; c’est alors qu’il a découvert la nécessité de me faire rompre avec Éva, et n’a pas craint de m’imposer pour condition à la main de ma cousine l’oubli de mes propres intérêts ; je n’accepte pas un pareil compromis ; je soutiendrai mes droits et ceux d’Éva, que cela convienne oui ou non à votre M. Jarndyce ; je l’en ai prévenu franchement dans une lettre que je lui ai écrite à cette intention, et où le remerciant de la bonne volonté qu’il voulait bien me témoigner, je le priais de ne plus s’occuper de moi ; la route que nous avons à suivre est loin d’être la même ; l’un des testaments contestés m’accorde une part beaucoup plus forte que la sienne ; je ne dis pas que la chancellerie le confirmera, mais enfin c’est possible.

— Je savais que vous aviez écrit à M. Jarndyce, répondis-je ; il m’a parlé de votre lettre et sans irritation contre vous, sans un seul mot de reproche.

— Vraiment ? répliqua Richard en se calmant un peu ; je suis bien aise de vous avoir dit que c’était un galant homme en dehors de cette misérable affaire ; je n’en ai jamais douté ; je sais que vous n’approuvez pas ma conduite à son égard ; mais si vous aviez examiné ce procès comme je l’ai fait chez Kenge ; si vous saviez toutes les accusations que se renvoient mutuellement les parties, vous trouveriez que je suis fort modéré.

— Peut-être, répondis-je ; mais croyez-vous qu’il y ait beaucoup de justice dans ces accusations, mon pauvre ami ?

— Le bon droit est pourtant quelque part, s’écria-t-il vivement ; et faire d’Éva le prix de mon silence et de mon inac-