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n’était plus transparent que le nom de cousin, jeté comme un voile sur l’accueil qu’elle fit à Richard. Quant à lui, je n’osais plus m’en rapporter à moi, car je devenais mauvaise avec tous mes soupçons ; mais je n’étais pas sûre qu’il eût pour elle autant d’amour qu’elle en avait pour lui. Certes il l’admirait passionnément et lui aurait renouvelé avec ardeur les serments qu’ils avaient échangés autrefois, s’il n’avait pas été sûr de la trouver fidèle à la promesse qu’elle avait faite à mon tuteur ; et pourtant quelque chose me disait que l’influence de ce procès maudit s’étendait jusqu’à son amour, dont il remettait l’expression à l’époque incertaine où Jarndyce contre Jarndyce serait une question jugée. Pauvre ami ! qui peut dire ce qu’il aurait été sans le germe fatal qui empoisonna sa vie ?

«  Je ne viens pas, dit-il à sa cousine, vous faire manquer aux conditions que vous avez acceptées de M. Jarndyce, bien qu’à vrai dire vous ayez mis peut-être une confiance trop aveugle à suivre ses conseils. »

Il ajouta qu’il était venu seulement pour nous voir et pour se justifier de la position qu’il avait prise à l’égard de mon tuteur ; et, comme le vieil enfant allait venir, il me pria de lui indiquer le moment où je pourrais l’écouter ; je lui proposai une promenade dans le parc pour le lendemain matin : ce fut une affaire arrangée.

M. Skimpole arriva bientôt et nous égaya pendant une heure ; il voulut absolument voir Charley, qu’il appelait toujours Coavinse, et lui dit d’un air paternel qu’il avait concouru de tout son pouvoir au bien-être de son père ; que, si l’un de ses frères se dépêchait de grandir et d’entrer dans la même carrière, il espérait également lui fournir de l’emploi ; « car, dit-il en sirotant son grog, je ne sors pas de leurs filets ; poursuivi par les uns, poursuivi par les autres qui voudraient me faire donner une somme que je ne possède jamais, on m’emprisonne, quelqu’un paye ; on me relâche pour me reprendre, et quelqu’un paye encore ; ne me demandez pas qui, je ne saurais vous le dire ; mais je bois à la santé de ce mortel bienfaisant, et je prie le Seigneur de le bénir. »

Le lendemain, j’arrivai la première au rendez-vous, mais Richard ne se fit pas longtemps attendre ; l’air était pur et pas un nuage au ciel ; la fougère, l’herbe et le feuillage étincelaient sous la rosée ; on eût dit que la nature avait été ce jour-là plus soigneuse encore de sa gloire, que célébraient autour de nous des chants d’oiseaux sans nombre.

«  Quel délicieux endroit ! me dit Richard ; comme tout est