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pour ne pas vous fatiguer en m’oubliant, et je n’ai plus qu’une minute ; il me reste cependant à vous dire que miss Flite, ayant appris que vous étiez malade, a fait la route à pied ; pauvre fille ! vingt milles avec des souliers de danse, pour savoir de vos nouvelles. Grâce à Dieu, nous n’étions pas sortis, car elle serait retournée immédiatement à Londres, et par le même moyen. »

Toujours l’ancienne conspiration à qui me rendrait la plus heureuse, et chacun y prenant part.

« Si cela ne vous ennuie pas, continua mon tuteur, de recevoir l’innocente créature un de ces jours, avant d’épargner à Boythorn la peine de démolir sa maison, vous la rendrez plus fière de cet honneur, et lui ferez plus de plaisir que je ne le pourrais moi-même, quoique je m’appelle Jarndyce. »

Il comprenait que la vue de cette pauvre affligée aurait sur mon esprit une influence salutaire. J’avais toujours eu pitié des malheurs de miss Flite, mais jamais autant qu’aujourd’hui ; j’avais toujours été heureuse d’alléger ses souffrances, mais jamais cette joie sincère n’avait été si vive qu’à présent. Je dis à mon tuteur combien je serais enchantée de la voir ; et nous convînmes du jour où la pauvre plaideuse prendrait la diligence pour venir dîner avec moi.

Quand je me retrouvai seule, je demandai pardon au Seigneur de m’être exagéré la petite épreuve que j’avais à subir, et d’y avoir attaché trop d’importance, au milieu des bienfaits dont j’étais entourée. La prière que, tout enfant, j’avais faite le jour de ma fête, où j’avais aspiré à devenir bonne, laborieuse et loyale, afin de m’attirer un peu d’amour, me revint à l’esprit, et j’éprouvai un sentiment vague de remords en pensant au bonheur que j’avais toujours eu depuis cette époque, et à la tendresse qui m’était prodiguée. Si j’étais assez faible pour regretter quelque chose, à quoi donc m’avaient servi toutes ces grâces dont je me trouvais comblée ? Je répétai ma prière d’autrefois avec ses paroles enfantines, et je sentis que la paix des anciens jours ne m’avait pas abandonnée.

Miss Flite arriva quelques jours après, comme il était convenu ; elle accourut dans ma chambre et se jeta dans mes bras en criant de tout son cœur : « Chère Fitz-Jarndyce ! » et en m’embrassant vingt fois, oublieuse de toute cérémonie.

«  Mon Dieu ! dit-elle en fouillant dans son sac, je n’ai apporté que mes documents ; Fitz-Jarndyce, prêtez-moi un mouchoir. »

Et certes l’excellente créature en avait grand besoin pour essuyer ses larmes ; elle se couvrit la figure de celui que