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ces hallucinations fiévreuses, nous pourrions probablement en diminuer la force et apaiser les souffrances des malheureux qui les subissent ; pourquoi dès lors ne pas les étudier ?

Peut-être serai-je mieux comprise en parlant du repos qui succéda enfin à cette agitation ; des longues heures d’un sommeil bienfaisant ; de ce calme délicieux qui m’envahissait tout entière, alors que, trop faible pour me soucier de moi-même, j’aurais appris que j’allais mourir sans autre émotion qu’une tendre pitié pour ceux que je laissais sur la terre. J’étais plongée dans cette quiétude infinie, quand je fermai tout à coup les yeux pour éviter la lumière qui tremblait dans les rideaux, et que je reconnus avec une joie infinie que j’y verrais encore.

J’avais entendu mon Éva pleurer jour et nuit à ma porte, me dire que j’étais une cruelle, et que, si je l’aimais, je lui permettrais de me soigner et de ne pas quitter le bord de mon lit ; mais j’avais toujours dit non, quand j’avais pu parler, recommandant bien à Charley d’empêcher Éva de pénétrer dans ma chambre, que je fusse morte ou vivante. Charley avait gardé fidèlement sa promesse, et, de sa petite main et de son grand cœur, avait tenu la porte constamment fermée.

À présent que ma vue s’affermissait et que mes yeux s’accoutumaient chaque jour à une lumière plus vive, je pouvais lire les lettres que ma chérie m’écrivait soir et matin, et les porter à mes lèvres sans crainte de lui faire aucun mal ; voir ma petite garde si attentive et si soigneuse aller d’une chambre à l’autre pour mettre tout en ordre et ouvrir la fenêtre pour causer avec Éva ; comprendre le calme absolu qui régnait dans la maison, preuve touchante de la sollicitude dont j’étais entourée ; et je pleurais de joie au milieu de cette exquise félicité, aussi heureuse dans ma faiblesse que je l’avais été dans ma force et ma santé.

Peu à peu, sortant de mon immobilité, je pris une part plus active à ce qu’on faisait autour de moi ; je pus me rendre quelques services et je me rattachai à l’existence.

Comme je me souviens encore de cette après-dînée, où, entourée d’oreillers, je me mis sur mon séant pour prendre le thé avec Charley ! Quelle fête et quel bonheur ! la chère petite, envoyée sur la terre pour soigner ceux qui souffrent, était si heureuse ; elle s’arrêtait si souvent au milieu de tous ses préparatifs pour venir poser sa tête sur ma poitrine, pour me combler de caresses et m’exprimer au milieu de ses larmes combien elle était contente, que je fus obligée de lui dire : « Charley, si tu continues, il faudra me recoucher, mon enfant, car je suis plus faible