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— L’avez-vous apporté ?

— Oui, gentleman.

— Sergent, poursuivit l’avoué de ce ton calme et froid bien plus démontant pour l’adversaire que la violence et l’injure, faites attention à ce que je vais dire, car c’est la dernière fois que je vous en parle, souvenez-vous-en bien : vous pouvez, à votre choix, laisser ici pendant quelques jours ce que vous dites avoir dans votre poche, ou le remporter sans me le faire voir, ce sera comme vous voudrez ; seulement, si vous consentez à me le laisser, je rétablirai votre affaire sur l’ancien pied ; je ferai plus, je m’engagerai par écrit à ce que ledit Bagnet, ici présent, ne soit inquiété en aucune façon tant que vous n’aurez pas été d’abord poursuivi à outrance, ce qui, en fait, équivaut à une libération absolue. Êtes-vous maintenant décidé ? »

Le sergent tire un papier de sa poitrine et dit avec un profond soupir : « Il le faut bien, monsieur. »

L’avoué met ses lunettes, s’assied à sa table, rédige l’engagement qu’il vient de souscrire, en fait la lecture, et l’explique à M. Bagnet qui regarde le plafond, met la main sur sa tête chauve pour la protéger contre cette douche verbale et semble extrêmement au dépourvu de n’avoir pas la vieille auprès de lui pour exprimer son opinion. Le sergent pose alors sur le bureau de l’avoué un papier qu’il n’abandonne qu’avec une répugnance évidente.

«  Ce n’est, dit-il, qu’une lettre de service, monsieur ; la dernière qu’il m’ait écrite. »

Regardez une borne, monsieur Georges, et vous ne verrez pas plus d’immobilité dans sa physionomie que sur le visage du vieil avoué lorsqu’il ouvre la lettre que vous lui avez remise ; il la parcourt, la replie et la met dans son pupitre avec l’impassibilité de la mort.

Il ne lui reste plus qu’à saluer d’un signe peu courtois ses visiteurs en leur disant d’un ton bref : « Vous pouvez partir, » et à son clerc : « Conduisez-les jusqu’à la porte. »

Une fois sortis, les deux camarades se dirigent vers la maison de M. Bagnet, où ils se rendent pour dîner.

Du bœuf bouilli et des choux verts, voilà le menu : ce n’est plus, comme on voit, du porc bouilli et des choux verts : il faut bien varier un peu. Mistress Bagnet sert la viande et les choux de la même façon que l’autre fois et les assaisonne de la même bonne humeur, étant de cette rare espèce de gens qui reçoivent le bien à bras ouverts sans jamais insinuer qu’il pourrait être mieux, et découvrent toujours un rayon dans les ténèbres qui