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« Mon cher monsieur, dit l’avare en tendant les deux bras au sergent, comment vous portez-vous ? Quelle est, cher ami, cette personne qui vous accompagne ?

— C’est Mathieu Bagnet, le camarade qui m’a obligé dans notre affaire, répond sèchement M. Georges, peu disposé à se montrer conciliant.

— Bagnet ? oui, oui, certainement. » Le vieillard se fait un abat-jour de sa main droite et regarde l’ami du sergent. « Monsieur Bagnet, j’espère que vous vous portez bien ; un bel homme, monsieur Georges ; un fort beau militaire ! »

Comme on ne leur offre pas de s’asseoir, M. Georges donne une chaise à Bagnet et en prend une pour lui.

« Judy ! apporte la pipe ! crie M. Smallweed à sa petite-fille.

— Ce n’est pas la peine, dit M. Georges, car je ne suis pas en train de fumer.

— Vraiment ! répond le vieillard ; c’est égal ; Judy, apporte la pipe.

— Le fait est, monsieur Smallweed, que je me trouve ce matin peu favorablement disposé ; il paraît, monsieur, que votre ami de la Cité fait des siennes.

— Miséricorde ! mon cher monsieur, dit le grand-père ; il en est incapable.

— Je suis bien aise de le savoir ; je pensais, au contraire, que c’était un de ses tours ; vous comprenez que je parle de la lettre que voici. »

Le vieux ladre fait un affreux sourire en reconnaissance du papier qu’on lui montre.

«  Qu’est-ce que veut dire cette lettre ? demande le maître d’armes.

— Judy, as-tu trouvé la pipe ? Donne-la-moi, crie le vieillard. Ne demandez-vous pas ce que ça veut dire, mon bon ami ?

— Certainement, répond le troupier qui s’efforce de mettre dans sa voix le plus de douceur possible, et qui tient la lettre de la main droite, tandis que son poing gauche est appuyé sur sa cuisse ; vous savez, monsieur Smallweed, que vous avez déjà bénéficié d’une jolie somme ; et vous vous rappelez parfaitement quelles sont nos conventions. Je suis prêt à faire aujourd’hui ce que nous avons toujours fait, et à procéder comme d’habitude. Jusqu’à présent vous ne m’avez jamais écrit de lettre pareille ; et depuis ce matin je suis à l’envers, parce que mon ami Bagnet, que voici, n’a pas, comme vous savez, touché un sou de l’argent que…

— Je ne sais pas ça du tout, dit tranquillement l’usurier.