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sur la tombe de son père. C’était un garçon, et mon tuteur, mon mari et moi, nous lui donnâmes le nom de Richard.

Le secours efficace sur lequel ma pauvre amie comptait lui arrivait enfin ; mais la sagesse éternelle avait disposé les choses autrement qu’elle ne l’avait rêvé. C’était pour consoler la veuve, et non pas pour faire le bonheur de son père qu’il était envoyé ; et quand je vis la puissance de cette petite main si faible, dont l’attouchement guérissait le cœur de sa mère et ranimait l’espoir éteint dans son cœur, j’en conçus un sentiment plus profond de la bonté du Créateur.

L’enfant prit de la force, la mère se rétablit ; peu à peu je vis ma pauvre amie rester plus longtemps dans mon jardin, et s’y promener avec son fils dans les bras. J’étais mariée alors, et la plus heureuse des femmes.

Lorsqu’elle fut tout à fait remise, mon tuteur vint nous rejoindre, et lui demanda à quelle époque elle reviendrait à la maison.

« Vous êtes chez vous dans les deux Bleak-House, lui dit-il ; mais l’ancienne a le droit de priorité et le réclame ; dès que vous serez assez bien pour voyager, ainsi que mon petit Richard, venez donc, chère enfant, prendre possession de votre demeure.

— Cousin John… lui dit Éva.

— Non, répondit-il, c’est tuteur qu’il faut dire à présent. »

Il était celui du Bébé, et voulait rester celui de la mère. Ce titre d’ailleurs se rattachait à un ancien souvenir ; depuis lors elle l’appela donc tuteur ; et les enfants ne lui connaissaient pas d’autre nom. Je dis les enfants, parce que j’ai deux petites filles.

On croira difficilement que Charley, dont les yeux sont toujours ronds et l’orthographe vicieuse, est mariée au meunier du village ; pourtant rien n’est plus vrai, et, en ce moment même, de la table où j’écris, près de ma fenêtre, je vois tourner son moulin. J’espère que son mari ne la gâtera pas, quoiqu’il en soit très-épris, et que Charley se montre un peu vaine d’avoir fait un si beau mariage. Il est vrai que le meunier est bien dans ses affaires : aussi se voyait-il très-recherché des mamans qui avaient des filles à marier. Pour en revenir à ma petite femme de chambre, je pourrais croire que le temps s’est arrêté depuis six années, comme son moulin vient de le faire depuis un moment, car Emma, la sœur de Charley, est exactement maintenant ce qu’était Charley avant elle. Quant à ce pauvre Tom, je n’oserais pas parler des bévues qu’il fit un jour à l’école dans son calcul : il faut dire qu’il s’agissait de fractions décimales. Quoi qu’il en soit, il est apprenti meunier chez son beau-frère ; c’est