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déplaisir si c’est qu’elle est fatiguée. Mais Volumnia, qui, tout en sautillant, furète au milieu des papiers de son cousin, a découvert un certain memorandum qui la concerne et qui lui assure, au cas où il arriverait « quelque chose » à son illustre parent, une compensation suffisante aux lectures les plus longues et les plus fastidieuses ; compensation qui va même jusqu’à tenir en respect le dragon dévorant de l’ennui qui l’assiége.

Les cousins s’abstiennent, pour la plupart, de se montrer à Chesney-Wold, dont la tristesse les effarouche ; ceux qui viennent encore n’apparaissent plus que dans la saison des chasses ; à cette époque les plantations retentissent de coups de fusil et les gardes avec quelques rabatteurs vont attendre au rendez-vous habituel deux ou trois parents ennuyés. Le cousin débilité que l’aspect lugubre de ces lieux débilite plus encore, tombe dans un affreux accablement dès qu’il rentre au château, et gémit sous les oreillers des sofas couverts de housses, en assurant « que cette vieille geôle infernale n’est bonne qu’à enterrer les gens. »

L’unique solennité que Chesney-Wold procure maintenant à Volumnia ne se présente plus que de loin en loin, à l’époque où il s’agit de faire quelque chose pour le pays en daignant embellir un bal public de sa présence. Dans ces grands jours, la sylphide, revêtue d’une toilette juvénile, franchit avec joie, escortée de ses cousins, les quatorze milles qui la séparent de la salle des élections, transformée en salle de danse après avoir été, pendant les trois cent soixante-cinq jours des années ordinaires, une sorte de garde-meuble rempli de tables et de chaises à l’envers, la tête en bas, les pieds en l’air. Et vraiment, cette chère Volumnia captive tous les cœurs par sa condescendance, sa vivacité naïve et ses grâces toujours aussi légères qu’à l’époque où le hideux général, dont la vieille mâchoire est aujourd’hui rajeunie par un râtelier complet, n’avait pas encore acheté ses dents au prix de deux guinées la pièce. Nymphe de bonne maison, elle chasse et déchasse, balance et tourbillonne à travers les quadrilles avec autant de plaisir que de succès, se montrant tour à tour bienveillante et cruelle pour les bergers de l’endroit qui viennent lui offrir du thé, des sandwiches et de la limonade accompagnés de leurs hommages respectueux. Il existe une singulière ressemblance entre sa beauté surannée et les lustres de cristal dont la pièce est décorée ; vieux ornements qui, avec leur maigre tige, leurs petites pendeloques devenues rares, leurs bobèches dégarnies, leurs rameaux dépouillés de viroles et de godets, surtout avec leur faible rayon de lumière vacillante et prismatique, ressemblent à autant de Volumnias.