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me mis à fondre en larmes. « Appuyez-vous avec confiance sur mon cœur, me dit-il en me pressant contre lui ; je suis votre tuteur, votre père, mon enfant. »

Il continua ainsi, d’une voix douce et caressante comme le murmure du vent dans les feuilles, et apaisa mon trouble sous l’influence de sa parole vivifiante.

« Comprenez-moi bien, chère fille, reprit-il, je ne doute pas qu’auprès de moi vous n’eussiez été contente de votre sort ; vous êtes si bonne et si dévouée ; mais je découvris bientôt celui qui vous rendrait plus heureuse. Que j’aie pénétré ce secret avant vous, cela n’a rien d’étonnant ; quant à Woodcourt, il y a longtemps que j’étais dans sa confidence, bien qu’il ne soit dans la mienne que d’hier seulement, de quelques heures avant votre arrivée. Mais je ne voulais pas qu’un seul des mérites de ma chère fille fût inconnu, et je n’aurais pas consenti pour tout l’or des montagnes du pays de Galles à voir admettre par tolérance mon Esther dans la descendance de Morgan-ap-Kerrig et de son illustre lignée. »

Il me baisa au front et mes larmes coulèrent de nouveau, car ses louanges me causaient plus de bonheur que je n’en pouvais supporter.

« Allons, petite femme, ne pleurez pas ; c’est un heureux jour que celui-ci ; j’y pense depuis bien longtemps, s’écria-t-il d’une voix triomphante. Quelques mots encore, dame Durden, et j’aurai dit tout ce que j’avais à vous dire. Étant donc bien résolu à voir apprécier jusqu’au moindre atome de la valeur de mon Esther, je pris à part mistress Woodcourt : « Madame, lui dis-je, je m’aperçois et je sais d’ailleurs que votre fils aime ma pupille ; je suis très-sûr en outre que ma pupille aime votre fils ; mais qu’elle sacrifiera son amour au devoir qu’elle s’est imposé, et qu’elle le fera si complétement, si religieusement que vous ne le soupçonneriez même pas, alors que vous la verriez sans cesse. Je lui confiai ce qui avait eu lieu entre nous et je la priai d’habiter notre maison. « Venez, lui dis-je, voyez ma chère fille à toute heure ; comparez après cela tout ce que vous aurez vu avec sa généalogie (car j’aurais dédaigné de lui cacher votre naissance), et quand vous y aurez longuement pensé, vous me direz où est la vraie noblesse et la véritable légitimité. » Mais honneur à son vieux sang gallois, dame Durden ! s’écria mon tuteur avec enthousiasme ; je crois en vérité que le bon cœur qu’il vivifie ne bat pas avec moins de chaleur et ne sent pas pour mon Esther moins d’admiration ni d’amour que celui-là qui bat dans ma poitrine. »