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cœur. C’est plus que fraternel, comme je te l’ai déjà dit, et j’en suis profondément touché. Mais vois-tu, frère, la vérité est que je suis une espèce de mauvaise herbe, et qu’il est trop tard pour me planter dans un jardin régulier.

— C’est à moi d’en juger, mon bon Georges, répond M. Rouncewell en concentrant son regard profond sur l’ancien militaire ; laisse-moi essayer, » ajoute-t-il en souriant avec confiance.

Georges secoue la tête : « Tu y réussirais, je n’en doute pas, si la chose était possible, mais il ne faut pas la tenter ; non mon frère, non. D’ailleurs, il se trouve que je suis de quelque utilité à sir Leicester Dedlock, depuis la maladie que lui ont value certains chagrins de famille ; je lui rends quelques services, des bagatelles ; mais enfin il aime mieux les recevoir du fils de notre mère que de tout autre.

— Très-bien, Georges, répond M. Rouncewell dont la figure ouverte s’assombrit légèrement ; si tu préfères servir dans la brigade privée de sir Leicester Dedlock…

— Précisément, frère, s’écrie l’ancien dragon en interrompant le maître de forges, précisément ; l’idée de servir te déplaît, mais pour moi c’est autre chose ; tu n’es pas habitué à être commandé, moi je le suis ; tu maintiens l’ordre et la discipline autour de toi, j’ai besoin qu’on s’en occupe à ma place et qu’on m’impose une règle. Nous ne portons pas les choses de la même main et ne les voyons pas du même point de vue. Je ne dis rien de mes manières de garnison, parce que hier au soir je me suis trouvé à l’aise, et qu’ici on n’y ferait pas attention. Mais Chesney-Wold me convient encore mieux ; il y a là-bas plus d’espace ; une mauvaise herbe de plus y est moins déplacée ; la vieille mère d’ailleurs a besoin d’être heureuse, et c’est pour cela que j’accepte la proposition du baronnet. Quand je viendrai l’an prochain pour conduire la mariée, ou même avant, j’aurai soin de laisser à l’écart la brigade privée de sir Leicester Dedlock, et de ne pas la faire manœuvrer sur ton territoire. Je te remercie encore une fois ; et je suis fier de penser à la maison des Rouncewell dont tu seras le fondateur.

— Tu te connais, Georges ; et peut-être, dit le frère aîné en répondant avec chaleur à l’étreinte de la main du sergent, peut-être me connais-tu mieux que je ne le fais moi-même ; suis la voie qui te convient, mais que désormais nous ne soyons plus perdus l’un pour l’autre.

— Ne crains rien de ce côté-là, répond l’ancien sergent. Mais avant de te quitter, frère, je voudrais te prier d’être assez bon