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droits ; et pour que je reste et que je puisse relever la tête, il faut absolument qu’elle me raye de son héritage. Voyons, toi qui es connu pour ta pénétration et ton intelligence, tu m’indiqueras bien un moyen d’y réussir.

— Au contraire, Georges, dit M. Rouncewell d’un ton délibéré ; ma pénétration ne servira qu’à te prouver une chose, c’est que tu dois renoncer au but que tu veux atteindre ; regarde notre mère, rappelle-toi l’émotion qu’elle a éprouvée en te revoyant. Crois-tu qu’il y ait au monde une seule considération qui puisse la déterminer à faire ce que tu désires ? Crois-tu, alors même que la chose serait possible, qu’il y aurait à hésiter entre le sacrifice que tu veux me faire et la blessure qu’elle en ressentirait, cette chère et tendre vieille femme ? tu aurais tort d’y penser ; non, Georges ! renonce à ton idée, prends-en ton parti et reste sur son testament ; d’ailleurs tu peux atteindre ton but, à peu près aussi bien que si la chose était faite. »

Le maître de forges sourit en regardant son frère qui, tout désappointé, réfléchit profondément.

« Et comment cela ? dit enfin M. Georges.

— Puisque tu tiens absolument à être déshérité, tu peux disposer, à ton tour, de la part qui te reviendra, quand tu auras le malheur de la recevoir.

— C’est vrai ! » dit l’ancien maître d’armes, réfléchissant toujours : puis mettant la main sur celle de son frère :

« As-tu l’intention de parler de cela dans ta famille ? lui demande-t-il.

— Pas du tout.

— Merci, frère. Seulement tu ne refuseras peut-être pas de leur dire que, tout vagabond que je suis, je n’ai été, après tout, qu’une mauvaise tête, mais sans faire de bassesses.

Le maître de forges réprime un sourire et fait un signe affirmatif.

« Merci, mon frère. C’est un grand poids de moins sur mon cœur, répond M. Georges en respirant largement et en décroisant les bras ;… j’aurais pourtant bien voulu être rayé de ce testament, » ajoute-t-il en posant les mains sur ses genoux.

Les deux frères sont assis face à face, et leur ressemblance est frappante, en dépit de l’absence d’usage et d’une sorte de simplicité massive qui caractérise l’ancien dragon.

« Maintenant, dit M. Georges, parlons une fois pour toutes de mes projets. Tu as la générosité de vouloir me retenir auprès de toi et de me proposer une place dans l’industrie que ton travail et ta persévérance ont créée, je t’en remercie de tout mon