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ces jeunes demoiselles, et qu’il reçoit comme en rêve ; tandis que les manières respectueuses et touchantes de son neveu lui rappellent son propre passé et lui rendent la conscience de n’avoir jamais été qu’un vaurien.

Cependant, l’entrain qui préside à la fête et les bons cœurs dont la société se compose triomphent du trouble de M. Georges, qui s’engage, d’un air franc et martial, à être de la noce et à conduire la mariée, engagement qui est accueilli avec acclamations. L’instant du repos arrive, et l’ancien maître d’armes, couché dans le lit d’honneur de la maison de son frère, est pris de vertige en se rappelant tout ce qui s’est passé depuis quelques heures : il revoit, en esprit, ses nièces, que, frappé de respect, il admira toute la soirée dans leur mousseline flottante, exécuter toute la nuit, sur sa courte-pointe, des valses allemandes.

Le lendemain matin, dès qu’ils sont levés, les deux frères s’enferment dans la chambre du maître de forges, où celui-ci expose, avec sa clarté habituelle, la manière dont il songe à employer les services de l’ancien troupier dans son usine, lorsque ce dernier l’arrête en lui serrant la main :

« Frère, dit-il, je te remercie un million de fois pour ton accueil plus que fraternel ; et un million de fois plus encore pour tes intentions pleines de délicatesse et de générosité ; mais j’ai mon plan ; avant de le confier à personne, je désire te consulter sur une affaire de famille. Comment faut-il s’y prendre pour obtenir de ma mère qu’elle consente à m’effacer ? ajoute l’ancien dragon en croisant les bras et en regardant son frère avec une invincible fermeté.

— Je ne te comprends pas bien, Georges, répond M. Rouncewell.

— Je demande comment on pourra obtenir de ma mère qu’elle veuille bien m’effacer ; il faut absolument l’y amener d’une façon ou d’une autre.

— Est-ce de son testament que tu veux être rayé ? je crois du moins que c’est là ce que tu veux dire.

— Certainement, répond l’ancien maître d’armes d’un air plus résolu que jamais, il le faut et j’y tiens.

— Est-ce que c’est indispensable, mon brave Georges ?

— Tout à fait ; je n’aurais pas commis la bassesse de revenir sans y être bien décidé. Jusque-là, vois-tu, je ne serai pas à l’abri d’une nouvelle escapade. Je ne me suis pas faufilé au bercail pour te dépouiller et enlever à tes enfants ce qui leur revient naturellement. Il y a longtemps que j’ai perdu tous mes