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Je lui dis qu’elle se trompait ; que M. Woodcourt les avait connus chez M. Jarndyce en même temps que moi ; et que c’était à l’affection qu’ils lui avaient inspirée qu’ils devaient tous ses soins.

« Je sais bien, reprit-elle, qu’il a toujours été bon pour Richard ; mais c’est égal, chère amie, c’est à vous que nous devons son dévouement sans bornes. »

Je pensai qu’il valait mieux ne pas la contredire et je répondis quelques paroles insignifiantes.

« Chère Esther, reprit-elle, j’ai de grands devoirs à remplir ; je veux être une bonne épouse, une bonne femme de ménage, vous me l’apprendrez, n’est-ce pas ? »

Je compris à l’agitation nerveuse de la main qui courait sur le clavier, qu’elle avait autre chose à me dire et que je ne devais pas prendre la parole.

« Quand je me suis mariée, poursuivit-elle, je connaissais la position de Richard et l’avenir qui l’attendait. J’étais heureuse auprès de vous ; j’ignorais l’embarras, l’inquiétude ; vous aviez pour moi tant affection et de bonté ; mais je connaissais le danger qui le menaçait, chère Esther.

— Je le sais, cher ange.

— Et puis j’avais l’espoir de le faire revenir de son erreur ; je me disais qu’une fois marié, il envisagerait les choses sous un autre point de vue et comprendrait mieux ses intérêts en même temps que les miens ; mais je n’aurais pas eu cet espoir, que j’aurais également épousé Richard, oui, chère Esther, je l’aurais également épousé.

La fermeté avec laquelle ces mots furent prononcés ne me laissait pas le moindre doute sur leur sincérité.

« Ne croyez pas, chère Esther, que je sois aveugle et que je ne partage pas les craintes que vous pouvez avoir ; je connais Richard et je le comprends mieux que personne ; l’expérience la plus clairvoyante n’aurait pas la pénétration de mon amour. Je suis près de lui dans ses plus mauvais moments ; je le guette pendant son sommeil, je saisis le moindre nuage qui passe sur son front et je vois combien il est changé. Mais, lorsque je me suis mariée, j’étais bien résolue, avec l’aide de Dieu, à ne pas augmenter ses chagrins en lui montrant la peine que me faisait sa conduite. Je ne veux pas qu’il y ait d’inquiétude sur mon visage, quand il rentre à la maison ; et, quand il me regarde, je veux qu’il retrouve ce qu’il aimait en moi ; c’est avec cette pensée que je suis devenue sa femme, et c’est elle encore qui me soutient. »