poursuites. Vous savez que nous y avons été trompés. Cette dernière prit ensuite à travers champs, pour rentrer au cottage : comprenez-vous, chère demoiselle ? »
Je n’entendais rien, je ne voyais que cette femme étendue sur la pierre, entourant de son bras l’un des barreaux de la grille. Cette femme qui venait de parler à ma mère, qui avait apporté sa lettre, qui pouvait me conduire où était celle que nous avions à sauver, elle était là, et ils me retenaient ! Je vis sur la figure de M. Woodcourt son regard de pitié solennelle ; je le vis faire reculer M. Bucket et se découvrir avec respect, malgré le froid et la neige… Mais je ne comprenais pas.
J’entendis enfin qu’ils se disaient :
« Faut-il la faire approcher ?
— Oui ; mieux vaut que ce soit elle qui la touche la première ; ses mains y ont plus de droit que les nôtres. »
J’avançai vers la grille et je me baissai. Je soulevai cette tête pesante, j’écartai les cheveux noirs qui en couvraient le visage. C’était ma mère, morte et déjà glacée.
CHAPITRE XXX.
Perspective.
Je trouvai de telles consolations dans la bonté de ceux qui m’entouraient que je ne puis y penser, même aujourd’hui, sans être émue. J’ai déjà tant parlé de moi-même, et il me reste encore tant de choses à dire, que je ne m’arrêterai pas à ma douleur ; je fus malade ; mais peu de temps, et je n’en parlerais même pas si je pouvais faire taire le souvenir que m’a laissé leur touchante sympathie. Je passe donc à d’autres événements.
Nous étions restés à Londres, et mistress Woodcourt était venue demeurer avec nous, sur l’invitation de mon tuteur. Lorsque je fus assez bien pour causer comme autrefois, je repris mon ouvrage et ma place à côté de M. Jardnyce. Un jour, il me pria de venir le lendemain dans son cabinet, à une heure qu’il avait fixée lui-même. Je m’y rendis ; nous étions seuls.
« Dame Durden, me dit-il en m’embrassant au front, soyez la bienvenue dans le grognoir où je suis heureux de vous retrou-