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CHAPITRE XXIX.

Narration d’Esther.

Il était trois heures du matin quand nous nous retrouvâmes au milieu des rues de Londres. Nous étions retenus par des chemins beaucoup plus mauvais qu’à notre départ : le givre et la neige n’avaient pas cessé depuis la veille ; mais l’énergie de mon compagnon ne s’était pas démentie un seul instant et nous avait été d’un secours immense. Les chevaux s’arrêtaient épuisés, à mi-côte, en montant les collines ; ils avaient eu de véritables torrents à traverser sur la route, et glissant dans la neige, ils étaient tombés plus d’une fois en s’embarrassant dans leurs traits. M. Bucket et sa petite lanterne s’étaient toujours trouvés là ; et quand le mauvais pas avait été franchi ou l’accident réparé, j’avais toujours entendu sa voix calme dire aux postillons : « En route, mes amis, en route ! »

Je ne m’expliquais pas la confiance ou plutôt la certitude qu’il semblait avoir pendant cette dernière partie de notre voyage ; pas un moment d’hésitation, pas une minute d’arrêt, même pour adresser une question ; un mot recueilli çà et là en toute hâte paraissait lui suffire ; et c’est ainsi qu’entre trois et quatre heures nous arrivâmes à Islington.

Il est inutile de dire tout ce que je souffrais en pensant que nous nous éloignions de plus en plus de ma pauvre mère ; j’essayais de me persuader que nous avions raison de suivre la femme du briquetier, et j’espérais que le résultat de notre poursuite serait heureux ; mais l’incertitude me torturait ; je cherchais vainement à comprendre l’utilité de cette démarche ; à quoi nous servirait d’avoir trouvé Jenny ? qu’arriverait-il ensuite ? et cela compenserait-il la perte de temps que nous occasionnerait cette recherche ? Telles étaient les questions que je ne cessais de me poser, lorsque nous nous arrêtâmes devant une place de fiacres. M. Bucket paya nos postillons qui étaient couverts de boue comme si on les eût traînés sur la route ; et leur indiquant brièvement où ils devaient conduire le phaéton, il m’en fit descendre et me porta dans une voiture de louage qu’il venait de choisir parmi les autres.