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Mais arrivés à la poste, point de renseignement nouveau. C’était une auberge solitaire et spacieuse, une maison confortable et massive, avec un large portail sous lequel notre voiture était à peine entrée, que l’hôtesse vint avec ses trois filles m’engager à descendre et à prendre quelque chose pendant qu’on préparerait les chevaux. Je ne crus pas pouvoir refuser, et j’accompagnai cette excellente femme dans une chambre située au premier étage, où elle me laissa près d’une cheminée avec un grand feu. Cette pièce, je m’en souviens encore, donnait d’un côté sur la cour où les palefreniers enlevaient les harnais aux pauvres bêtes fatiguées et couvertes de boue, qui nous avaient amenées ; le chemin de traverse sur lequel ouvrait cette cour, s’apercevait par la grande porte où se balançait l’enseigne de l’auberge, et se revoyait un peu plus loin fuyant vers la campagne ; tandis que, par l’autre fenêtre de la chambre, on découvrait un bois de sapins dont les branches laissaient goutter silencieusement la neige dont elles étaient couvertes. Le jour s’en allait, et la flamme du foyer, en se reflétant sur les vitres, rendait plus lugubre encore, par son contraste, l’ombre qui se répandait partout. Je regardais ce tapis de neige étendu sous les arbres, miné lentement par les gouttes d’eau que laissaient tomber les feuilles ; je revoyais en même temps la figure maternelle de mon hôtesse qui m’avait accueillie, entourée de ses trois filles, et je pensais à ma mère couchée dans ce linceul de glace, qui sait ? mourant peut-être au fond d’un bois.

J’eus peur ; la bonne hôtesse était auprès de moi, et je me souviens qu’avant de tomber dans ses bras, je fis tous mes efforts pour ne pas m’évanouir. On m’étendit sur un canapé qu’on approcha du feu ; on m’entoura de coussins, et l’excellente femme essaya de me persuader que je devais me mettre au lit jusqu’au lendemain matin ; mais j’éprouvai une frayeur si vive en pensant qu’on voulait me retenir, qu’elle rétracta ses paroles ; et il fut convenu, par une sorte de compromis, que je prendrais seulement une demi-heure de repos.

C’était une bonne créature qui, avec l’aide de ses filles, me prodigua tous ses soins ; je devais prendre un peu de soupe, disait-elle, et manger un blanc de poulet bouilli, pendant que M. Bucket se séchait et dînait dans la grande salle ; mais cela me fut impossible, et je ne pus avaler qu’un peu de vin chaud avec une bouchée de pain grillé ; je n’en fus pas moins récompensée de la complaisance que j’y avais mise par le bien que j’en ressentis.

Au bout d’une demi-heure, la voiture se retrouva sous le