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table avec le manche de son couteau, lui ordonna de s’asseoir et de se mêler de ses affaires.

« J’aurais bien voulu voir Jenny, repris-je ; elle m’aurait dit tout ce qu’elle savait sur cette dame que j’ai tant besoin de rejoindre ; oh ! vous ne savez pas combien je désire la retrouver ! Où est Jenny ? sera-t-elle longtemps ? dites-le-moi, je vous en prie. »

La femme ne demandait pas mieux que de répondre ; mais son mari lui donna un coup de pied qu’il accompagna d’un juron, laissant à son camarade le soin de nous dire ce qui lui conviendrait.

« J’ n’aime pas que l’ beau monde vienne cheu moi, répliqua celui-ci après quelques instants de silence ; vous m’ l’avez déjà entendu dire, à c’que j’suppose ; j’vas pas dans leu maison, et j’trouve assez drôle qu’i’ ne puissent pas m’ laisser tranquille. Ça serait gentil, si j’allais dans leu château ; j’y ferais jolie figure ; malgré ça, je n’ me plains pas de vous voir autant que je m’ plains des autres, et j’ veux ben vous répondre, quoiqu’ ça me déplaise tout d’ même d’être traqué comme un blaireau. Vous me demandez où est Jenny ? elle est à Londres ; s’en r’viendra-t-elle bientôt ? mon Dieu ! non ; elle ne r’viendra que d’main.

— Est-ce cette nuit qu’elle est partie ? demandai-je encore.

— C’te nuit même, répondit l’homme d’un ton bourru.

— Mais elle était ici lorsque cette personne est arrivée ; que lui a dit cette dame, et quelle route a-t-elle prise ? Je vous en conjure, dites-le-moi, je suis si inquiète, si malheureuse ! il faut absolument que je le sache.

— Si not’ maître voulait me laisser parler… insinua Liz d’un air timide.

— Vot’ maître vous cassera le cou si vous vous mêlez de c’ qui n’ vous r’garde pas, » grommela son mari en ajoutant à ces paroles une violente imprécation.

Après une nouvelle pause, le mari de Jenny se tournant de mon côté, reprit d’un air maussade et comme à regret :

« Oui, Jenny était là quand c’te lady est venue ; et v’là c’ que lui a dit c’te dame : « Vous vous rapp’lez de moi, qu’elle lui a dit ; j’suis venue un jour vous parler de c’te jeune miss qui vous était venue voir ; et que j’vous ai donné queuqu’chose de gentil pour un mouchoir de poche qu’elle vous avait laissé. » Jenny s’en rappelait ben et nous tretous aussi. « C’te jeune miss est-elle maintenant à la maison ? qu’elle dit. — Non, » qu’on lui répond. C’te lady voyageait seule ; et si drôle que ça paraisse, elle a demandé de se reposer à l’endroit où qu’vous êtes, et y a