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CHAPITRE XXVI.

Poursuite.

Impassible comme il sied au rang qu’il occupe, l’hôtel Dedlock ne laisse rien transpirer des événements qui se passent entre ses murs ; les carrosses vont et viennent ; les laquais frappent aux portes ; on échange les visites officielles du monde ; d’anciennes enchanteresses au cou de squelette, aux joues de pêche de contrebande, beautés fascinatrices que l’on prendrait, à la clarté du jour, pour la fusion d’un spectre et d’une jeune femme, continuent d’éblouir le regard des hommes ; de magnifiques équipages, moelleusement suspendus, sortent des froides remises, ayant sur leurs siéges de duvet, où ils enfoncent, des cochers à perruques blondes, à jambes courtes, et par derrière d’élégants valets, portant la canne d’honneur et coiffés de chapeaux à trois cornes : c’est un spectacle à ravir les anges. Si l’hôtel Dedlock est toujours le même au dehors, rien à l’intérieur n’a troublé non plus son morne silence, quand la belle Volumnia, sujette au mal contagieux qui règne dans cette noble demeure, est saisie d’un tel accès d’ennui, qu’elle se décide à changer de place et se dirige vers la bibliothèque. Le coup léger qu’elle a frappé n’ayant pas reçu de réponse, elle entr’ouvre la porte, lance un regard dans la pièce et, n’y voyant personne, prend possession des lieux.

On prétend, dans l’ancienne ville de Bath, où l’herbe croît dans les rues, que la sémillante miss Dedlock est extrêmement curieuse ; d’où il résulte qu’elle profite de la circonstance pour jeter un coup d’œil à travers son lorgnon sur les papiers et les lettres de sir Leicester ; et que, sautillant comme un oiseau, de l’un à l’autre de ces documents, elle prend un léger aperçu des affaires du baronnet. Tout à coup elle trébuche contre un objet qu’elle rencontre, abaisse son lorgnon et voit son noble cousin gisant à ses pieds comme un chêne abattu.

La surprise donne au cri habituel de Volumnia des proportions considérables, et l’hôtel sort immédiatement de sa stupeur ; les sonnettes s’agitent, les valets montent et descendent l’escalier quatre à quatre ; on court chez les médecins, on appelle milady, on la cherche partout ; mais on ne la trouve nulle part ; on dé-