votre cœur me pardonnera. J’étais dans la famille bien avant votre naissance, et je vous suis toute dévouée ; mais pensez à mon fils !
— Je ne l’accuse pas du tout.
— Non, milady, non ; mais les autres l’accusent ; il est en prison, en danger ; milady, si vous pouvez d’un mot faire reconnaître son innocence, dites-le, je vous en conjure ! »
Quel pouvoir suppose-t-elle donc à la personne qu’elle implore ? quelle illusion se fait-elle ? Milady la regarde avec une surprise mêlée d’effroi.
« Quand cette nuit j’ai quitté Chesney-Wold pour courir près de mon fils, milady, les pas du spectre sur la terrasse étaient plus obstinés et plus lugubres que jamais ; chaque soir depuis longtemps il résonnait dans votre chambre, mais il avait cette nuit un écho plus terrible ; et c’est hier, au moment où il commençait à se faire entendre, que j’ai trouvé cette lettre.
— Quelle lettre ?
— Chut ! milady, chut ! murmure la vieille femme de charge en regardant autour d’elle ; je ne l’ai dit à personne, et je n’en crois pas un mot ; ce n’est pas vrai, j’en suis sûre. Mais la vie de mon fils est en danger, milady, et vous aurez pitié de moi. Si quelque motif secret vous empêche de révéler ce que vous pouvez savoir, en supposant toutefois que vous sachiez quelque chose, pensez à moi, milady, et faites taire vos scrupules ; vous êtes bonne, je le sais, milady ; mais vous n’êtes pas familière, vous marchez seule dans la voie que vous suivez, et vous restez à l’écart de ceux qui vous admirent. Vous pouvez donc, par mépris ou par fierté, ne pas vouloir confier ce que vous savez sur cette affaire ; s’il en est ainsi, je vous en conjure, pensez à mes services, à ma vieillesse, à ma vie tout entière passée dans votre famille, qui a toute mon affection, et vous sauverez mon fils. Je suis tellement loin de vous dans l’humble position que j’occupe, que vous ne savez peut-être pas, milady, combien j’aime mon enfant ; mais l’amour que j’ai pour lui est si puissant, qu’il m’a donné assez de force et de hardiesse pour venir vous supplier de lui faire rendre justice. »
Lady Dedlock se lève sans répondre, et, prenant la lettre que tient toujours la pauvre mère :
« Vous voulez que je la lise ? demande-t-elle.
— S’il vous plaît, milady ; mais quand je ne serai plus là, et rappelez-vous ce que j’attends de votre bonté.
— Je ne vois pas ce que je puis faire pour votre fils ; je ne l’ai jamais accusé de rien.