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Mistress Rouncewell se redresse avec orgueil et regarde sa compagne d’un air qui signifie : « Ne vous l’avais-je pas bien dit ? » Mistress Bagnet partage les sentiments de la vieille dame, et témoigne de l’intérêt qu’elle prend à la conversation, en frappant l’ancien troupier entre les deux épaules avec son parapluie, espèce de manie affectueuse dont les accès se renouvellent fréquemment, et que suivent toujours d’abondantes larmes essuyées avec le manteau gris.

« Et j’en vins à penser, continue M. Georges, que pour expier mes torts, ce que j’avais de mieux à faire était de me résigner à mon sort et de mourir oublié ; ce que j’aurais fait, ma mère (bien que je sois allé plus d’une fois vous entrevoir à Chesney-Wold au moment où vous y pensiez le moins), ce que j’aurais fait sans la femme de mon vieux camarade, que je n’ai pu tromper, ce dont je la remercie de tout mon cœur. »

C’est alors que se rappelant tout à coup la position où elle le retrouve, mistress Rouncewell le conjure de se laisser diriger par ceux qui s’intéressent à lui, et d’accepter un avocat, pour l’amour de sa mère dont il est la joie et l’orgueil, et dont il briserait le cœur…

« C’est peu de chose que vous me demandez là, dit-il en embrassant la vieille dame sans la laisser achever. Il est bien tard pour commencer à vous obéir ; mais dites-moi ce que vous voulez que je fasse, et je m’empresserai d’exécuter vos ordres. Mistress Bagnet, vous prendrez soin de ma mère, n’est-ce pas ? »

Un violent coup de parapluie est la seule réponse qu’il reçoive.

« Ayez la bonté de la mettre en rapport avec miss Summerson et avec M. Jarndyce qu’elle trouvera de son avis : ils l’aideront de leurs conseils.

— Mais, Georges, dit la vieille dame, nous allons écrire à ton frère, c’est un homme d’un grand sens et qui, m’a-t-on dit, s’entend parfaitement à conduire les affaires.

— Si j’osais vous demander une faveur, répond le sergent.

— Laquelle, mon fils ?

— Ne lui parlez pas de moi. Que dirait-il en me retrouvant ici ? je n’ai pas le courage d’y penser. Non, non, c’est impossible ; gardez-moi le secret, ma mère ; et surtout que mon frère soit le dernier à l’apprendre ; s’il doit jamais savoir que je suis enfin de retour, je demande à le lui dire moi-même, afin de régler ma conduite sur la manière dont il prendra la chose. Quant au reste, bonne mère, je suis prêt à faire tout ce que vous désirez, même à recevoir un avocat. »