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ques heures après il fouillera les tiroirs, le pupitre et les poches de M. Tulkinghorn ; et, seul dans le cabinet du défunt, il interrogera l’allégorie du plafond, index contre index.

Il est facile de comprendre qu’une pareille existence doive être incompatible avec la vie de famille ; et, bien que l’officier de police apprécie infiniment la société de mistress Bucket, femme remarquable, naturellement douée d’un esprit d’investigation qui aurait pu accomplir de grandes choses, s’il eût été développé par l’exercice et la méthode, mais qui a dû s’arrêter au niveau d’un talent d’amateur, bien qu’il apprécie, disons-nous, la société d’une compagne aussi rare, M. Bucket ne rentre pas chez lui ; et sa femme n’a d’autre ressource que la conversation de sa locataire, qui est heureusement une femme d’esprit à laquelle elle s’intéresse.

On est au jour des funérailles de M. Tulkinghorn, et la foule se rassemble dans Lincoln’s Inn Fields. À vrai dire, il n’y a dans toute cette foule que quatre individus : sir Leicester, lord Coodle, William, Buffy et le cousin débilité, amené là comme appoint ; mais le nombre des équipages inconsolables est immense. La pairie a envoyé au cortége plus d’affliction à quatre roues qu’on n’en a jamais vu dans le quartier ; c’est une réunion d’armoiries à faire croire que le collège héraldique a perdu en un jour et son père et sa mère ; le duc de Foodle est représenté par un splendide carrosse dans le dernier genre, avec essieux brevetés à boîtes d’argent, et trois laquais de six pieds de haut formant à l’arrière un faisceau éploré. Tous les cochers de cérémonie que renferme Londres siègent aujourd’hui vêtus de noir ; et, si le vieux procureur sut jamais apprécier ce que valent de magnifiques attelages, il doit être satisfait.

Impassible au milieu de tous ces mollets en deuil, M. Bucket, assis au fond d’un carrosse désolé dont il écarte les stores, passe en revue la foule qui l’entoure et promène son regard perçant du pavé de la place jusqu’au toit des maisons.

« Ah ! vous voilà, chère partenaire, se dit-il à lui-même en apercevant mistress Bucket, placée par faveur près de la porte du défunt, et votre locataire avec vous ; très-bien, chère âme ; j’espère que votre santé est bonne. »

M. Bucket redouble d’attention jusqu’au moment où l’on apporte dans le corbillard le dépositaire de tant de nobles secrets. Où est-il maintenant ce trésor de secrets qu’on lui avait confié ou qu’il avait surpris ? l’emporte-t-il dans la tombe, ou bien toutes ces confidences se sont-elles envolées avec son dernier souffle ?

Quel contraste entre M. Tulkinghorn et M. Bucket enfermés