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poser mes lèvres sur la porte noire où le nom de Richard se détachait en blanc comme sur la pierre d’une tombe.

Je revins plus calme ; cette visite avait en quelque sorte diminué la distance qui me séparait d’Éva ; je sentais mieux que je la reverrais encore ; je n’étais pas consolée, mais j’avais plus de courage.

Mon tuteur était rentré lorsque nous arrivâmes, et se tenait debout près de la fenêtre ; il vint à moi, et me regardant en face : « Vous avez pleuré ! me dit-il.

— Oui, cher tuteur ; ma pauvre Éva… elle est si malheureuse, si triste de… »

Je m’appuyai sur le bras de son fauteuil, et je vis qu’il comprenait le regard que je laissai tomber sur la place vide qu’il y avait entre nous.

« Est-elle mariée, Esther ? »

Je lui dis tout ce que je savais, et que la première parole du cher ange avait été pour demander si le cousin John voudrait lui pardonner.

« Elle n’en a pas besoin, dit-il ; qu’elle soit bénie, chère enfant ; et que Richard le soit comme elle. Pauvre Éva ! pauvre Rick ! »

Nous restâmes quelques instants sans rien dire. « Bleak-House diminue tous les jours, reprit mon tuteur avec un soupir.

— Mais sa maîtresse y est encore, répondis-je à demi-voix, touchée de la manière dont il avait dit ces paroles ; elle fera tout son possible pour qu’on y soit heureux, » ajoutai-je timidement.

Il tourna vers moi son regard paternel, posa sa main sur la mienne, en disant : « Elle y réussira, chère Esther ; et néanmoins, petite femme, Bleak-House diminue tous les jours, »

Je fus triste et comme désappointée de lui entendre redire ces paroles ; je craignais de n’avoir pas été pour lui tout ce que j’aurais voulu être depuis la réponse que j’avais faite à sa lettre.


CHAPITRE XXII.

Obstination.

Le surlendemain, comme nous étions à déjeuner, M. Woodcourt arriva en toute hâte pour nous apprendre la terrible nou-