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— Je le voudrais, mais j’en doute, reprend le jeune homme.

— Vous trouvez que c’est un peu cher, continue le papetier ; les loyers sont fort élevés dans ce quartier-ci ; je ne sais pas comment ça se fait, mais on dirait que la robe augmente le prix de toutes choses ; non pas que j’aie l’intention, ajoute M. Snagsby en toussant une excuse, de dire le moindre mot contre une profession honorable qui me fait gagner ma vie. »

M. Weevle jette de nouveau les yeux d’un bout de la cour à l’autre et regarde le papetier. M. Snagsby, déconcerté par le coup d’œil de M. Weevle, regarde une étoile ou deux ; sa toux exprime l’embarras qu’il éprouve à sortir de cette conversation.

«  C’est un fait bien étrange, monsieur, dit-il en se frottant lentement les mains, que cet homme ait pu demeurer…

— Quel homme ? interrompt M. Weevle.

— Le défunt en question, réplique M. Snagsby en levant la tête et le sourcil droit vers le palier du second étage et en frappant son interlocuteur sur le bouton de sa redingote.

— Ah ! j’y suis, répond M. Weevle d’un air à prouver que ce sujet lui est peu agréable ; je pensais que nous avions fini d’en parler.

— Je voulais dire seulement que c’est un fait bien étrange, monsieur, qu’il soit venu habiter cette maison où il travaillait pour moi, et que vous soyez venu, comme lui, demeurer dans cette même chambre, pour y devenir aussi mon expéditionnaire,… ce qui n’a rien de déshonorant, interrompt M. Snagsby craignant tout à coup d’avoir commis une incivilité en appliquant le pronom possessif à la personne de M. Weevle ; j’ai connu des expéditionnaires qui sont entrés dans des brasseries et qui sont devenus des gens fort respectables, monsieur, éminemment respectables, ajoute-t-il avec un certain pressentiment qu’il ne fait qu’embrouiller de plus en plus les affaires.

— C’est, comme vous dites, une étrange coïncidence, répond M. Weevle en regardant encore du haut en bas de la cour.

— Ne dirait-on pas qu’il y a là une destinée ? insinue M. Snagsby.

— Peut-être, dit le jeune homme d’un ton distrait.

— Assurément, réplique le papetier avec sa toux confirmative ; une destinée !… monsieur Weevle !… J’ai bien peur d’être forcé de vous quitter, poursuit-il d’un air triste, bien qu’il n’ait pas fait autre chose que de chercher le moyen de s’échapper depuis qu’il est auprès du jeune homme. Ma petite femme pourrait me chercher si je ne m’en allais pas ; et je vous souhaite le bonsoir. »