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« Eh ! mon Dieu, non, madame ; vous ne l’auriez jamais cru, n’est-ce pas ? Eh bien ! c’est pourtant vrai. Ma femme et une locataire, voilà tout ce qui constitue mon intérieur. Mistress Bucket est, comme moi, passionnée pour les enfants. Elle en désirerait par-dessus tout ; mais non ! les biens de ce monde sont inégalement répartis, et l’homme doit se résigner à son sort… Vous avez là par derrière une petite cour qui me semble assez commode ; a-t-elle une issue au dehors ?

— Non, monsieur.

— Vraiment ! j’aurais pensé le contraire ; je n’ai jamais vu de petite cour qui fût plus à mon goût ; me permettez-vous de la visiter ? En effet, pas de sortie à l’extérieur ; mais elle est parfaitement proportionnée. »

M. Bucket revient s’asseoir auprès de son ami Georges et lui frappe amicalement sur l’épaule.

« Et ce moral, comment va-t-il maintenant ?

— Très-bien, répond l’ancien troupier.

— À la bonne heure ; pourquoi seriez-vous triste ? un homme de votre figure et de votre constitution n’a pas le droit de se démoraliser ; ce n’est pas avec une pareille poitrine qu’on peut se laisser abattre ; n’est-ce pas, madame ? d’ailleurs, vous n’avez rien dans l’esprit qui puisse vous tourmenter, rien du tout, Georges, pas de préoccupations. »

M. Bucket appuie cette phrase d’un regard étrange et la répète deux ou trois fois, en prêtant à la réponse un visage attentif. Mais sa verve de belle humeur reparaît bientôt après cette brève éclipse, et fait de nouveau rayonner sa figure.

« Et ce jeune homme est notre frère, bons petits choux ? reprend M. Bucket en s’adressant à Malte et à Québec ; frère de père, veux-je dire ; il est certainement trop âgé pour être le fils de madame.

— Je suis pourtant bien sa mère, répond en riant mistress Bagnet.

— Vous m’étonnez beaucoup, madame ; et cependant il vous ressemble d’une manière surprenante, quoiqu’il ait aussi quelque chose de son père ; les sourcils, par exemple, ajoute M. Bucket en fermant un œil pour comparer les deux visages. »

Mistress Bagnet saisit cette occasion de lui dire que Woolwich est le filleul de M. Georges.

« Vraiment, répond M. Bucket avec cordialité ; une poignée de main au filleul de ce cher Georges ; filleul et parrain se font également honneur. Et que pensez-vous faire de ce garçon-là, madame ? Montre-t-il des dispositions et du goût pour la musique ?