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regrattier, qu’il croit être la source de cet affreux mystère et qui a pour lui un attrait irrésistible. Ce soir même, où il passe devant les Armes d’Apollon avec l’intention d’aller seulement jusqu’au bout de Chancery-Lane et de revenir, après avoir fait ce petit tour, il s’approche malgré lui du magasin de chiffons.

« Êtes-vous là, monsieur Weevle ? demande le papetier.

— Ah ! c’est vous, monsieur Snagsby !

— Oui, monsieur Weevle ; vous faites comme moi, vous prenez l’air avant de vous mettre au lit.

— Mais il n’y en a guère à prendre ce soir, et le peu qu’il y a ne me semble pas très-pur, dit M. Weevle en lançant un regard d’un bout à l’autre de la cour.

— C’est vrai, monsieur ; et ne remarquez-vous pas, ajoute le papetier en reniflant deux ou trois fois, que… pour dire le mot et parler sans détour, cela sent un peu la graisse.

— J’ai déjà fait cette remarque depuis quelques instants, répond M. Weevle ; une singulière odeur !… Ils font sans doute cuire des côtelettes aux Armes d’Apollon.

— Croyez-vous ? réplique M. Snagsby qui respire fortement pour mieux s’en assurer ; vous avez peut-être raison, monsieur, continue-t-il, mais j’ose dire que la cuisinière les aura négligées ; elles brûlent, monsieur, elles brûlent ; et je ne pense pas… » M. Snagsby renifle de nouveau, crache et s’essuie les lèvres ; « je ne pense pas… à dire le mot, qu’elles fussent bien fraîches quand on les a mises sur le gril.

— C’est probable. Quel temps malsain ! l’air est infect, répond M. Weevle.

— Et accablant, ajoute M. Snagsby.

— Par saint Georges ! il me donne le frisson, réplique M. Weevle.

— C’est qu’aussi vous vivez solitaire dans une chambre écartée, où s’est passé un affreux événement, dit M. Snagsby qui jette un coup d’œil par-dessus l’épaule du jeune homme et fait un pas en arrière pour regarder la maison ; je ne pourrais pas rester seul dans votre chambre, monsieur ; je serais tellement inquiet, agité quand viendrait le soir, que j’aimerais mieux passer la nuit dans la rue que de me coucher là-haut ; il est vrai que vous n’avez pas vu dans cette chambre ce que j’y ai vu moi-même, ça fait une différence.

— Je connais suffisamment cette histoire, répond Tony.

— Histoire peu agréable, n’est-ce pas ? dit le papetier qui tousse derrière sa main en insinuant que M. Krook doit prendre le fait en considération et diminuer le loyer.