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Quand il est dans l’escalier, l’avoué regarde à sa montre et suppose qu’elle avance d’une minute ; il y a dans le vestibule une horloge magnifique renommée pour son exactitude : « Qu’est-ce que vous dites ? » lui demande le procureur. C’est une horloge d’un grand prix, mais combien ne serait-elle pas plus précieuse encore si elle répondait à ce vieillard : « Ne retournez pas chez vous ! » « Sept heures trois quarts, reprend M. Tulkinghorn ; tiens ! vous êtes plus coupable que je ne pensais, dit-il à sa montre ; deux minutes d’avance ! il paraît que vous êtres pressée de me faire vivre. » Quelle bonne montre, si rendant le bien pour le mal, son tic tac disait au procureur : « Ne retournez pas chez vous ! »

Il est dans la rue, marchant les mains derrière le dos, plongé dans l’ombre des vastes hôtels dont les embarras pécuniaires et autres, les hypothèques, les mystères de toute espèce sont enfermés sous son vieux gilet de satin noir ; il est le confident des murailles ; les hautes cheminées lui télégraphient le secret des familles ; et cependant il ne trouve pas une seule voix sur sa route qui lui dise : « Ne retournez pas chez vous ! » Il va, traversant les rues vulgaires, au milieu du roulement des voitures, du bruit des pas, du bruit des voix ; le gaz des boutiques lance sur lui ses éclairs ; le vent d’ouest l’entoure de ses plaintes, la foule le presse, la fatalité l’entraîne et rien ne murmure à son oreille : « Ne retournez pas chez vous ! » Il arrive dans son cabinet, allume ses bougies, regarde au plafond et voit le Romain de l’allégorie, montrant du doigt, comme toujours, un point vague du tapis ; et rien dans le geste du Romain, dans le battement des ailes du groupe d’enfants qui l’environnent, rien ne lui dit : « Ne restez pas ici. »

La lune vient de se lever, les étoiles brillent, comme elles brillaient au-dessus de Chesney-Wold ; et « cette femme, » ainsi que maintenant il appelle milady, a les yeux fixés au ciel ; son cœur est navré ; elle étouffe dans ces vastes pièces qui lui semblent trop étroites, et veut sortir, pour aller respirer seule dans un jardin du voisinage. Trop impérieuse dans ses volontés pour que ce désir excite la surprise de ceux qui l’entourent, elle s’enveloppe d’un manteau et sort au clair de la lune. Mercure ouvre la porte de la grille, dont il lui remet la clef sur sa demande, et reçoit l’ordre de retourner à l’hôtel. Milady se promènera quelque temps pour apaiser son mal de tête ; une heure, peut-être plus ; elle n’a pas besoin qu’on l’escorte. La grille se referme avec bruit. Mercure s’éloigne ; et milady reste seule et disparaît sous les arbres.