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est compromis, lady Dedlock, il faut marcher droit au but, sans souci de ce que l’on foule aux pieds. »

Elle lève les yeux et le regarde ; l’expression de la figure de milady est sévère, et ses dents mordent sa lèvre inférieure.

« Elle m’a compris, pense M. Tulkinghorn ; pourquoi épargne-t-elle les autres, puisqu’elle-même ne sera pas épargnée ? »

Lady Dedlock n’a pas mangé, elle a seulement bu trois verres d’eau qu’elle s’est versés d’une main ferme. Elle sort de table et s’étend sur une chaise longue ; elle est sombre et pensive, mais en elle rien n’exprime la faiblesse, rien n’invoque la pitié. « Cette femme est un sujet digne d’étude, » se dit encore M. Tulkinghorn, et tous les deux s’étudient à loisir.

« Lady Dedlock, dit-il enfin, rompant un silence que milady était résolue à garder, il nous reste à traiter la partie la plus pénible de cette affaire ; nos conventions n’existent plus ; une femme de votre intelligence doit comprendre que je rentre par cela même dans toute ma liberté.

— Je m’y attendais, monsieur Tulkinghorn.

— C’est tout ce que j’avais à vous dire, ajoute l’avoué en inclinant la tête.

— Est-ce l’avertissement que je dois recevoir ? Je tiens, dit-elle, à ce qu’il n’y ait point de méprise entre nous.

— Pas précisément, lady Dedlock ; l’avertissement convenu supposerait que nos conditions auraient été remplies ; mais c’est virtuellement la même chose ; il n’y a de différence que dans les termes ; pure distinction de droit.

— Vous n’avez pas l’intention de m’avertir de nouveau ?

— Non, milady.

— Est-ce ce soir que vous parlerez à sir Leicester ?

— La question est directe, répond l’avoué en souriant légèrement ; non, pas ce soir.

— Demain ?

— Tout bien considéré, milady, j’aime mieux ne pas vous répondre. Vous ne me croiriez pas si je vous disais que j’ignore le moment où j’instruirai sir Leicester, et cela ne servirait à rien de vous le dire. Peut-être sera-ce demain ; peut-être un autre jour ; mais vous êtes préparée à tout ; et les circonstances ne peuvent que justifier votre attente. J’ai l’honneur de vous souhaiter le bonsoir.

— Allez-vous rester quelque temps dans la bibliothèque ? dit-elle au moment où le procureur va sortir.

— Seulement pour y prendre mon chapeau, et je retourne chez moi. »