Page:Dickens - Bleak-House, tome 2.djvu/20

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ter en silence « Le père Grégoire en goguette. » Mistress Perkins et mistress Piper se confient leur opinion sur la jeune « sirène, d’un talent éprouvé, » dont le nom tient sur l’affiche une place considérable, et qui, d’après mistress Perkins, serait mariée déjà depuis plus de dix-huit mois, bien qu’on l’appelle « miss Melvilleson » dans la susdite affiche, et qu’on lui porte tous les soirs son poupon en cachette, aux Armes d’Apollon, pour y prendre son repas naturel.

«  J’aimerais mieux vendre des allumettes chimiques, s’écrie mistress Perkins avec indignation, que de faire pareille chose ! »

Mistress Piper est du même avis, ayant toujours pensé qu’une condition obscure est préférable aux applaudissements de la foule ; et elle rend grâces au ciel d’être, ainsi que mistress Perkins, d’une respectabilité qui ne laisse rien à dire.

Sur ces entrefaites, le garçon des Armes d’Apollon apparaît avec une pinte de bière mousseuse ; mistress Perkins la reçoit et rentre chez elle après avoir souhaité le bonsoir à mistress Piper, qui tient à la main la même mesure de liquide, apportée du même endroit par son fils avant d’aller au lit. Un claquement de volets annonce qu’on ferme les boutiques ; une odeur de pipe se répand dans la cour, et la lumière qui brille aux étages supérieurs indique suffisamment que l’heure du repos est arrivée. Le policeman commence à pousser toutes les portes pour voir si elles sont bien fermées, à devenir soupçonneux et à faire sa ronde d’après cette hypothèse, que chacun ici-bas est voleur ou volé.

On étouffe en dépit du froid, qui est humide et pénétrant ; il n’y a pas d’air, et le brouillard se traîne lentement sans parvenir à s’élever ; c’est une de ces nuits que les abattoirs, les industries malsaines, les égouts, les eaux corrompues et les cimetières mettent à profit pour répandre leurs émanations morbides et qui donnent un surcroît de besogne au greffier chargé d’enregistrer les morts. Il faut qu’il y ait quelque chose de particulier dans l’atmosphère ; M. Weevle, autrement dit M. Jobling, se sent mal à son aise ; il a été vingt fois de sa chambre à la porte de la rue depuis que le chancelier a fermé sa boutique ; il ne fait que monter et descendre, aller et venir, coiffé d’une petite calotte de velours, très-bon marché, qui lui serre le crâne et fait paraître ses favoris plus énormes que jamais. Il n’est pas étonnant que M. Snagsby éprouve le même malaise ; car il est toujours plus ou moins oppressé par le secret où il se trouve engagé sans pouvoir le comprendre ; il hante fréquemment la boutique du