— Ben obligé, monsieur Sangsby ; c’est une grande bonté d’ vot’ part ; et ça m’ fait encore pus ben aise que j’étais tout à l’heure. »
M. Snagsby, dont la toux s’arrête dans le gosier, glisse un quatrième petit écu sur la table, et dit à Jo qu’il reviendra ; mais Jo et lui ne se verront plus sur la terre, car le pauvre vagabond approche du terme de son voyage. Phil, qui travaille dans un coin tout en gardant son malade, tourne souvent la tête pour lui dire quelques paroles encourageantes ; M. Georges s’approche fréquemment de la porte du cabinet, qu’il remplit de ses formes athlétiques, et semble ranimer le pauvre Jo en lui versant un peu de sa vigueur ; M. Jarndyce vient souvent, et M. Woodcourt est presque toujours là, songeant tous les deux à la manière étrange dont le destin a mêlé ce rebut de l’humanité à des existences si opposées à la sienne.
Jo a dormi toute la journée ; peut-être n’est-ce que de la torpeur. Allan, qui est auprès de lui, regarde sa figure décharnée ; M. Georges est debout à l’entrée du cabinet, et Phil a suspendu son travail ; M. Woodcourt, assis au bord du lit comme il l’était jadis sur le grabat de l’expéditionnaire, jette un regard au sergent et fait signe à l’ouvrier d’emporter sa petite table ; quand celui-ci reprendra sa besogne, il y aura une tache de rouille au fer de son marteau.
« Qu’est-ce que c’est, mon pauvre Jo ? n’ayez pas peur, lui dit Allan avec bonté.
— J’croyais, répond Jo tout effayé, qu’j’étais r’tourné dans Tom-all~alone’s. Y n’y a qu’vous, ici, monsieur Woodcot ?
— Oui, Jo.
— Et j’suis pas dans Tom-all-alone’s, m’sieur Woodcot.
— Non, Jo.
— Ah ! merci ; j’vous suis ben reconnaissant. »
Il ferme les yeux, et M. Woodcourt, se penchant à son oreille :
« Jo, lui dit-il, savez-vous une prière ?
— Moi, j’sais rin du tout, m’sieur.
— Une bien courte.
— Non, m’sieur ; rin du tout ; j’ai été un’fois chez M. Sangsby avec M. Chadband, qui en faisait un’ de prière ; mais i’s’parlait comm’ à lui-même, pas à moi, et j’ai rin entendu ; il en a venu aussi dans Tom-all-alone’s des aut’ m’ sieurs qui disaient des prières ; mais c’était tout d’même ; i’criaient cont’le monde et n’nous parlaient pas à nous aut’. »
Jo, dont la parole devient de plus en plus difficile à compren-